Amalia Rodriguez et Carlos Gardel, les idoles dont le portrait s’affiche partout…
Au retour d’un séjour au Portugal, et après une nouvelle approche trop rapide du fado que nous connaissions depuis longtemps, je suis frappé par les parentés qui l’unissent au tango. Dans les bars à fado authentiques de Lisbonne, où règne une écoute quasi religieuse, dès que l’artiste s’exprime, on pense immanquablement à l’atmosphère des cafés à peñas de Buenos Aires. Dans les deux capitales, en tenant ses distances avec les boîtes à touristes, on peut ressentir l’essence de ces chants si particuliers. Ambiance participative, visages tendus vers les chanteurs et musiciens, dramaturgie de l’expression lyrique et des gestes qui la soulignent, douleur et regret des amours perdues, plainte de la guitare portugaise ou du bandonéon… Au restaurant « Fado Maior » dans Alfama, à Lisbonne, fréquenté par des passionnés portugais, chaque spectateur vit le fado avec la même ferveur que celle que nous avons connue au café restaurant « La Aurora », rue Corrientes, à Buenos-Aires, pour le tango. Les auditeurs murmurent la plupart des morceaux et appellent de leurs voeux les pièces d’anthologie. Ici et là, la patronne, des clients amateurs, mais aussi des professionnels, se succèdent sur la scène, sans esprit de rivalité mais avec émulation. D’autres similitudes sont troublantes: les photos d’artistes qui tapissent les murs ( ici Amalia, là bas Gardel ), le décor global propre à créer l’ambiance ; la virtuosité des accompagnateurs qui jouent à la demande et sans partitions ; l’improvisation par des amateurs: ici une serveuse du restaurant, là une vieille dame nonagénaire ; la participation des spectateurs qui commentent tel ou tel morceau et parfois s’emparent du micro …Et surtout les deux modes d’expression véhiculent, au delà de la compréhension de la langue, pour ceux qui y sont sensibles, des états d’âme, des sentiments, une nostalgie prégnante que les accords musicaux soulignent avec insistance. On souffre, mais on compatit avec complaisance! Et on s’immerge avec bonheur dans l’âme d’un peuple. Certains maestros ont fait ce rapprochement de longue date, et on rappellera en particulier que, voici quelques années déjà, Erna et Santiago Giachello ont créé, au Festival de Tarbes, un spectacle partagé avec une chanteuse de fado et ils dansaient sur divers morceaux, avec le même recueillement et la même élégance.
La même ferveur des chanteurs amateurs à Lisbonne et à Buenos Aires.