A Buenos Aires, c’est le printemps et tous les arbres sont en fleurs … Mais en dehors du plaisir de vivre à nouveau cette saison, ce qui est toujours surprenant et enchanteur dans cette capitale, quand nous y revenons, ce sont les rencontres impromptues, survenant au hasard de nos périgrinations. Je ne parle pas évidemment des amis et connaissances, que nous retrouvons avec plaisir, mais des gens croisés fortuitement et qui nous reconnaissent immédiatement. Ainsi sommes nous tombés par hasard sur deux des musiciens qui ont animé des stages de musicalité dans notre région: Victor Simon qui a pris ses quartiers à La Casa de Tango « La Maleva », et Joaquin Amenabar, qui marchait dans la rue alors que nous entrions au Canning… Abrazo fraternel! Dans un bus bondé, une jeune femme donnait le sein à son bébé de quelques mois, spectacle attendrissant: c’était Eugenia Eberarht, la partenaire de Sebastian Posadas, avec lesquels nous avons débuté les cours de tango à Buenos Aires, au studio DNI, et dont nous savions qu’ils venaient d’avoir un bébé.
Mais il y a aussi des rencontres plus anonymes au hasard des rues et des magasins, car les Argentins engagent volontiers la conversation et souvent avec humour. Ainsi une femme d’origine grecque, nous entendant parler français dans un bus, nous déclare son admiration pour notre pays et sa langue. A un passage piéton, une jeune femme commente pour nous l’imprudence d’une maman qui traverse avec deux jeunes enfants alors que les feux l’interdisent: « El pais es hermoso pero los gentes son indóciles ». Dans une heladeria où nous cherchons une glace au marron, faute de penser aux châtaignes, je tente d’expliquer ce qu’est le marron que je compare à un coeur » Ah! Los Francés son románticos »…
Enfin, comment ne pas parler des chauffeurs de taxi, omniprésents dans la ville et qui sont les personnages anonymes, mais pittoresques, de mes écrits. L’un d’eux, au retour de Salta, nous conduit de l’aéroport à l’appartement et montre une faconde inhabituelle. Comme c’est un jour férié sur lequel nous nous interrogeons encore alors que personne n’a pu en justifier l’opportunité, il répond à ma question par « Es une buena pregunta… » et enchaîne en estimant que les Français sont d’esprit très porteño, plus que les Espagnols. Puis il commente son séjour à Paris, en estimant que les garçons de café, et plus largement les Parisiens, sont malgracieux. Il se lance alors dans une tirade hilarante sur la viande servie dans les restaurants et dont il moque la taille ridicule et la cuisson qui donne l’impression de manger la vache vivante… Il est vrai que les pièces de boeuf argentin sont d’une taille impressionnante!
Rencontre plus culturelle: celle d’un Troilo omniprésent dans les représentations suscitées par les manifestations du Centenaire de sa naissance, mais c’est une autre histoire…
J’ai déjà souligné les attraits de Buenos Aires, mais celui des rencontres fortuites, pour peu qu’on soit d’esprit réceptif, me paraît l’un des plus humains car il traduit cette ouverture aux autres sans doute issue du brassage de l’immigration.