IL EST MORT, LE POETE: Se me iran los recuerdos en puntitas de pié…

Horacio Ferrer, nous a quittés dans la nuit du 21 au 22 décembre, à la fin d’une année où il a contribué, sans trop se ménager, à célébrer, entre autres, Troilo, l’ empereur du bandonéon et Castillo, prince du tango canción. Lulu et Buenos Aires pleurent, et tous ceux qui admirent sa poésie inspirée sont tristes, car sa simplicité humaine éclipsait son talent et nous pleurons certes le grand poète, mais aussi l’homme qu’on pouvait aborder facilement.

 « Moriré en Buenos Aires. Será de madrugada                                                                                                                             que es la hora en que mueren los que saben morir» ( Balada para mi muerte, Letra H.Ferrer. Musica A.Piazzolla )                   Ferrer avait rédigé cette ballade en 1968 mais il savait écrire les éloges funèbres poétiques, ayant en particulier rendu hommage à Pichuco et à Manzi par des letras de tangos . Comme dans un article précédent, je renvoie mes lecteurs au blog de Denise Anne Clavilier: http://www.barrio-de-tango.blogspot.com. Correspondante officielle de L’Academia Nacional del Tango, dont Ferrer était le fondateur et Président actif, elle nous fait partager avec sensibilité ce deuil, ses souvenirs et son émotion et nous renvoie à des articles de la presse portègne. On peut lire aussi les pages consacrées au Poète dans « Barrio de Tango » qu’elle a publié aux Editions du Jasmin. J’en retiens trois aspects. D’abord, par sa double nationalité urugayenne et argentine, il symbolisait parfaitement le tango du Rio de la Plata, et il a contribué activement à son rayonnement. Ensuite, son amitié et sa collaboration avec Piazzolla, et son travail de promotion des nouvelles tendances a apporté un souffle nouveau au tango et sa propre poésie y a trouvé des inspirations fulgurantes. Enfin, il faut souligner que son oeuvre est considérable, qu’elle soit écrite ( «El Libro del Tango» est la bible sur le sujet en plus de 2000 pages et 6 ou 7 kilos ) ou culturelle ( fondateur de l’Academia Nacional, initiateur du Dia del Tango le 11 décembre et de la Gran Milonga Nacional entre autres…). J’ai lu récemment un de ses derniers ouvrages, « El tango: arte et misterio » où le premier chapitre présente le tango comme « Un arte existencial »… « La mas eligida flor del arte y la cultura del Rio de la Plata ». P1060526      P1060527

Certes, nous connaissions beaucoup des tangos écrits avec Piazzolla ( Chiquilin de Bachin, Balada para un loco, El Gordo triste, Libertango…) et l’Opéra «Maria de Buenos Aires ». Mais c’est au Café de La Poésie à San Telmo que j’ai pris conscience en 2011, de l’importance du rôle de Ferrer dans la vie culturelle portègne ( voir mon article du 8 octobre sur les cafés et bars notables de la capitale ). C’est un lieu qu’il fréquentait et où il a écrit son hommage à Lulú Michelli, artiste peintre, devenue son épouse. Nous avions alors saisi l’occasion d’assister à un plenario, séance mensuelle de l’Academia et à l’issue de la soirée, j’ai pu le rencontrer et lui dédicacer le recueil de nouvelles que je venais d’écrire « Avec un tango à Fleur de Lèvres ».  Au cours de la conversation, il m’a dit combien il était fasciné par l’aura que le tango avait auprès des gens du monde entier et combien il était important pour l’Academia d’en tenir compte et de constituer une bibliothèque et une discothèque des oeuvres étrangères.  Quelques jours après, nous avons été invités au salon Dandi, toujours à San Telmo, où Johana Copes organisait un hommage à son père pour son anniversaire. Horacio était de la fête, et la surprise est venue quand, de manière impromptue, il a accepté de réciter, sans musique autre que celle des récitatifs et des mots, «Existir», un de ses poèmes, sur lequel Juan Carlos Copes et sa fille Johana ont dansé silencieusement mais magnifiquement. Ce moment magique nous a tellement marqués que j’ai consacré une épisode de mon roman « La Dernière Cuite» au Maestro ( chapitre 16 ).

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Depuis, nous nous sommes toujours intéressés aux manifestations de l’Academia Nacional et nous avons eu l’occasion d’y croiser le poète. Mais cette année, Ferrer était le plus souvent absent et nous pressentions qu’il était fatigué. Pourtant, en juin, il avait accepté de fêter son anniversaire et avait lui même interprété le tango rituel d’ouverture « La bicicleta blanca », sur la musique de Piazzolla et son propre texte mêlant récitatifs et vers, histoire d’un cycliste fantomatique qui circule la nuit sur un vélo blanc, dans les rues de Buenos Aires. « De todos modos, si los vieras pasar, mirálo con mucho amor » Maintenant c’est Horacio Ferrer qui a enfourché cette bicyclette blanche, assortie à son costume pour rouler vers l’Olympe du tango où il va rejoindre Troilo, Manzi, Gardel, Goyeneche et quelques autres qui l’attendent, un vers de Torrontes à la main.  Nous pensons à Lulu qui prenait tant soin de lui et à tous ceux qui l’aimaient, à Buenos Aires et dans le monde entier et qui portent secrètement le deuil. Nous gardons au coeur son sourire bienveillant. Pour moi, il était LE POETE…

Merci à Carlos Zito, qui connaissait bien Horacio, et avait partagé avec lui et Astor Piazzolla d’intenses moments intellectuels et festifs, de m’avoir envoyé cette photo que j’ai plaisir à partager, car elle traduit l’éclectisme, l’élégance et la sérénité de l’homme. 

  Ferrer 6

par chabannonmaurice

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