Découvrir le site exceptionnel d’ANGKOR au Cambodge, haut lieu de la civilisation khmère, Patrimoine mondial de l’humanité, est un privilège qui nous a été donné récemment. Bien que dégradés et envahis par la végétation, les temples sont d’une majestueuse beauté et impressionnent par la diversité des constructions édifiées par les rois successifs, sur une vaste surface qui n’a pas été encore entièrement défrichée et explorée.
Un des attraits merveilleux d’Angkor réside dans les sculptures et bas-reliefs qui ornent colonnades et galeries : ils racontent la gloire des rois, les batailles qu’ils ont menées, et détaillent des épisodes de l’épopée hindoue du Ramayana et de la vie de Bouddha. L’épisode du » Barratage de la mer de lait « , qui voit s’affronter les dieux et les démons, fait naître des créatures merveilleuses, les apsara, danseuses célestes, qui séduiront les dieux par leur incomparable beauté et par leur grâce dans la danse. Elles sont omniprésentes dans les bas reliefs des temples, toutes différentes par la posture, le costume et l’expression, et on en compte plus de 3000 dans le seul temple d’Angkor Vat, le plus connu par ses représentations photographiques. Elles charment par leur déhanchement, leurs seins dénudés, leurs tiares ornementées et leur sourire énigmatique…
L’histoire culturelle et religieuse du Cambodge montre que ces danseuses existèrent réellement et exercèrent une fonction sacrée dans des danses cérémonielles. Elles étaient sans doute des milliers et servirent aussi de présents ou de butins dans les relations diplomatiques et guerrières. Malgré les aléas de l’histoire cambodgienne, notamment celle des khmers rouges, la danse se maintiendra comme danse de cour et, aujourd’hui encore, elle est présente dans la culture… et le tourisme du pays. Nous avons pu assister à plusieurs représentations et nous avons été séduits par la grâce des danseuses qui s’expriment dans les postures – elles seraient au nombre de 1500 – , le jeu des bras et la signification de chaque position des poignets et des doigts en forme de fleur. Comment ne pas être aussi frappé par le rôle des pieds nus où, pour chaque mouvement, la danseuse déploie les orteils précautionneusement comme s’ils cherchaient le sol tandis que les jambes assurent l’équilibre, le plus souvent sur un seul pied ? Et pendant toute la danse, le visage de la danseuse reste impassible, parfois éclairé par un sourire ou un battement de cils. Fascinant !
C’est là que j’ai osé mentalement le rapprochement avec le tango et les nombreux cours de « technique femme » où la posture, la tenue de l’axe et le travail des adornos jouent un rôle essentiel. Sans compter que l’ancrage des pieds dans le sol est aussi un élément déterminant. Mais surtout, par delà un rapprochement factice entre une danse individuelle et une danse de couple ( il y en a aussi dans le répertoire cambodgien, mais on ne s’y touche guère ! ), nous avons vérifié une fois de plus l’expressivité des corps dans l’art chorégraphique. Avec la danse apsara, toute en finesse, grâce et lenteur, le temps est suspendu, comme il peut l’être dans les silences du tango…