Car il est dans l’ordre des rêves que l’homme sauve la femme, on ne sait trop de quel danger.

 » …Peut être de la bête qui dort en lui. Peut-être du vide qui la menace et du temps qui lui pèse comme les générations. Peut être plus simplement, d’elle-même, du mensonge de la beauté, de son carcan. Afin que, disposant de son corps dans l’étreinte, elle puisse sauver l’homme de la mélancolie de la mort et lui rendre avec la mer le sel inépuisable de l’amour. »

Cette citation est le paragraphe final d’un merveilleux petit livre de Guy Goffette  » Elle, par bonheur et toujours nue » !                   Gallimard, 1998; publié chez Folio en 2013. ) Poète et prosateur, Guy Goffette est aussi un fin analyste de la peinture de Pierre Bonnard. L’exposition actuelle qui est consacrée à cet artiste, au Musée d’Orsay,  est magnifiquement envoûtante et je la recommande aux voyageurs de passage à Paris. Soucieux d’approcher au plus près le mystère séducteur de Bonnard, l’un de mes peintres préférés, j’ai acheté, presque au hasard, à la librairie du musée, ce livre, modeste au regard des études savantes menées par des spécialistes et du volumineux catalogue de l’exposition. C’est un régal dans l’analyse du rapport du peintre au quotidien, à la couleur, et surtout dans la manière d’approcher la part occupée dans sa vie par Marthe, la muse et modèle quasi exclusif de Pierre.  Cette lecture magnifie encore plus la peinture de Bonnard et fait comprendre pourquoi ses nus, en particulier, révèlent une sensualité du quotidien si troublante. 

4574458_6_cc56_pierre-bonnard-la-toilette-dit-aussi-la_b2dadae84694d9b8752001e3716b527d       bonnard

 «  La Toilette  » et  » Nu à contre-jour »,  deux huiles sur toile connues. 

 En lisant la conclusion poétique de Goffette, tenter un rapprochement avec le tango ? Le peintre qui observe son modèle ne façonne-t-il pas celui-ci au dessin et aux couleurs de sa toile ? Des films et des ouvrages ont tenté d’analyser ce rapport de l’artiste au modèle… Et, de son côté, le danseur ne tente-t-il pas d’imprimer au tango et à sa partenaire sa marge d’interprétation et de raconter une histoire perçue à travers la musique, et les paroles quand il les comprend ? Dans l’abrazo, dont chacun souligne l’importance, se crée une complicité entre l’homme et la femme et, si la connexion se fait bien, une inter-action qui, pendant quelques instants, change les deux partenaires. La lecture récente d’un livre  » Le tango n’est pas une danse », entretien entre Marion Ouazana, qui dirige à Marseille l’AKDmia et Claudio Farias, franco-argentin installé dans la même ville, me confirme dans cette idée. Je parlerai de cet ouvrage et donnerai ses références dans un article suivant mais je relève ce passage:  « Dans ce devenir, le tango propose à l’homme de devenir homme et à la femme de devenir femme, parce que ce rapport, entre eux, provoque le fait que l’homme devient homme à travers l’attitude de la femme et inversement… Paradoxalement, l’homme en jouant le jeu du « macho » et la femme celui de la  » coquette »,  deviennent un homme et une femme à la place qu’il leur revient.»

Peut-on penser que Pierre Bonnard, quelque part, était bien dans ce jeu de va et vient ? Le critique d’art, Vincent Huguet écrit: «Bonnard a inventé une façon très personnelle de peindre le nu, essentiellement féminin. Chaque tableau a l’air à la fois de livrer un portrait inédit et de raconter un secret, de murmurer une confidence, le souvenir d’un moment très intime teinté d’un érotisme aux multiples nuances. » ( Revue Beaux Arts, hors série, 2015 )

Avec quelques adaptations, cette analyse pourrait s’appliquer au couple dans le tango. 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s