LES FESTIVALS DE L’ETE 2015: des propositions diversifiées.

Dans les revues dédiées au tango, écrites ou virtuelles, plusieurs articles se sont déjà interrogés sur l’intérêt des Festivals proposés durant l’année et plus particulièrement pendant l’été. En les supposant démodés ou usés, on  recensait des alternatives possibles avec des festivalitos moins ambitieux ou des rencontres supposées plus intimistes. Fidéliser les danseurs pendant une semaine, voire une dizaine de jours relève en effet d’un pari chorégraphique, culturel, logistique et financier risqué, sans parler de l’équipe d’organisation dont l’inventivité, la patience et la résistance doivent être à toute épreuve. Nous avons eu la chance, cet été, de participer et d’être associés à 3 festivals à Aix les Bains ( 9ème édition), Tarbes ( 18ème) et Bonifacio ( 5ème), et d’apprécier d’abord la richesse et la diversité des propositions faites aux danseurs et au delà, aux amoureux de la culture argentine. Mais, en étant conscients que certains redoutent ce trop plein et n’hésitent pas à parler de « foire au tango. » Et pourtant ce sont parfois les mêmes danseurs qui, ailleurs, consomment du tango au kilomètre, dans une boulimie de danse qui ne laisse guère d’espace à la culture.

   Mais un festival ne suppose-t-il pas des choix dans la programmation proposée, particulièrement à Tarbes où divers événements se déroulent en même temps et où il faut déjà se déterminer au départ entre la danse et la musique (dont la place importante et le niveau remarquable sont souvent ignorés par certains danseurs )? Pour les ateliers de danse, tous les dilemmes d’un menu sont là, pour ceux qui s’y inscrivent sans connaître forcément les maestros et leur pédagogie. Ils font confiance à leur instinct, leurs attentes et aux propositions des organisateurs. Et ils doivent alors se résigner à ne pas suivre les événements proposés par ailleurs pendant les cours. Mais dans le quotidien, pour les autres, il faut aussi se déterminer entre la projection d’un film argentin ou une milonga au jardin Massey ou, pour l’apéro tango entre deux lieux différents ou deux duos qui jouent simultanément. Et pourtant, n’est ce pas stimulant de devoir chaque jour composer son propre programme en fonction de ses affinités, de ses envies de découverte… et de sa fatigue ? A Bonifacio, la volonté de multiplier les concerts, intégrés dans le même espace, avant ou pendant la milonga, a pu dérouter les assoiffés de danse qui brûlent de se jeter sur la piste sans même écouter les premiers morceaux, sans égard pour le travail des musiciens. A Aix les Bains, le programme est chronologique et permet de tout combiner sauf pour ceux qui suivent les cours. Mais c’est aussi, comme Bonifacio, une ville que les danseurs choisissent pour le cadre touristique et il faut trancher alors entre le désir de danse et l’envie de bains thermaux ou de plage. Ce qu’il faut souligner, particulièrement pour Tarbes et à un moindre degré pour Bonifacio, c’est la vitalité et parfois l’audace des propositions qui permet de rencontrer, de découvrir, d’écouter et d’apprécier des artistes moins connus comme l’orchestre «  Sciammarella Tango », composé de 6 jeunes femmes talentueuses, et qui met en valeur l’héritage du compositeur Rodolfo Sciammarella, un peu sous estimé ou oublié. Autre découverte à Bonifacio, Oscar Miranda, le virtuose du charango, instrument andin aussi minuscule que volubile dans les mains de cet artiste modeste qui sait magnifier le folklore argentin. Mais de grands artistes sont aussi présents, témoin Rudi Flores à la guitare et son trio qui accompagnent Hernán Genovese à Tarbes lequel, sortant des sentiers battus, chante ses propres compositions. Nous le retrouverons à Bonifacio où il joue avec Diego Trosman et Ciro Perez, avec un tel plaisir qu’après le concert, ils continuent jusqu’à 5 heures du matin dans un recoin, pourtant venté, du Carré de la Mairie.

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Rudi Flores et Oscar Miranda, deux artistes aussi discrets que talentueux.

   Que dire des spectacles proposés ? Si la qualité des prestations des couples est indiscutable, souvent brillante (Sabrina, enceinte de 7 mois et Ruben Veliz dansant la Zamba, pieds nus à Aix… Rocio et Bruno Tombari dans l’humour à Tarbes, comme Sandra et Ricardo Calvo à Bonifacio…) la plupart des spectacles restent trop traditionnellement une enfilade de démonstrations séduisantes sur fond de décor d’un cabaret… C’est pourquoi nous avons aimé le spectacle du jeudi 20 août à Tarbes «  Nuestros Aires » où le tango croisait les arts du cirque, dans les colorations de la piste mais aussi de la rue, rapprochant jeux du corps et postures dans une habileté et une vélocité inventives. Le clin d’œil permanent au spectateur lui permettait de mêler humour, magie, poésie, musique et de retrouver un étonnement tout en fraîcheur. Mention spéciale aux trois couples de danseurs et aux trois acrobates de cette prestation, sur laquelle les avis ont été évidemment partagés.

   Il faudrait aussi parler des orchestres dont j’ai déjà vanté la prééminence musicale dans un article de ce Blog daté du 2 novembre 2014 . Pour moi, danser avec un orchestre est un moment de pulsations partagées entre les musiciens et les danseurs et c’était particulièrement visible avec le triomphe obtenu à Tarbes par l’étonnant cuarteto russe « Solo Tango Orchestra » qui, de l’avis général, a nettement dominé le lot des ensembles présents qui n’ont pas démérité pour autant. Issus de la musique classique, les musiciens russes font preuve d’une grande maîtrise artistique, avec une sonorité qui oscille entre classicisme, touches tziganes ou jazzies et virtuosités tanguistiques, particulièrement en ce qui concerne le bandonéon. Malgré un aspect un peu lisse et énigmatique, ils ont intégré l’âme du tango. Ils ont énormément progressé, depuis leurs débuts en 2010 et notamment dans un précédent festival d’Aix les Bains. Au festival de cette dernière ville, c’est Tango Spleen qui tenait la vedette et a gagné lui aussi en cohérence, en dynamisme et donc en qualité depuis son apparition à Tarbes, en 2013. Un mot seulement de l’innovation que constituait, à Tarbes,  « La Battle »entre « Roulotte Tango » et « la Tipica Silbando » qui aurait pu être intéressante si elle avait été plus courte, plus réellement musicale sans perturber trop la danse, et surtout moins puérile. Quant aux DJs, en dehors des maestros argentins, Marcelo Rojas et Gabriel Sodini, les organisateurs des trois festivals ont fait le choix assumé d’intégrer des Djs issus d’associations partenaires, dont la réputation est déjà bien établie. Ils n’ont pas démérité, bien au contraire, et ont su confronter leurs choix musicaux aux attentes des danseurs dont on vérifie que malgré la diversité du public, elles sont plutôt traditionnelles. Faire danser près de 1000 danseurs et faire tourner une milonga à La Halle Mercadieu n’est pas un mince pari, bien relevé par ceux que nous avons écoutés.

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  • A Aix les Bains, l’organisatrice Doriane, accompagnée par Tango Spleen, chante Oblivion, pour remercier les maestros.
  • A Tarbes l’orchestre Solo Tango mobilise les danseurs et beaucoup d’auditeurs, massés devant l’estrade   

  Il y aurait beaucoup d’autres aspects à mettre en valeur dans les festivals, notamment les expositions de peinture, et il faut, au passage, louer les équipes organisatrices pour leur souci de renouvellement. Notamment, en établissant un partenariat avec des associations amies et leurs Djs attitrés. Il y a là un souci de mettre en valeur la collaboration plutôt que la rivalité.  Mais je me dois surtout d’insister sur la convivialité des trois festivals, justement parce que leurs équipes sont omniprésentes et attentives aux attentes des participants à des titres divers. Pour avoir participé comme conférencier et écrivain, je peux témoigner de leur disponibilité. On retrouve justement ce côté « rendez vous social » que je vante dans ma conférence. Si Tarbes garde « la buena onda » malgré la foule des participants, Aix les Bains a le charme et la classe d’un festival en ville d’eau où le Casino garde une place centrale et Bonifacio découvre une ambiance à la fois familiale et dépaysante par le cadre corse.

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  • La milonga de l’Hôtel de ville à Tarbes, accueille, pour un tour de piste un couple nouvellement marié: moment convivial impromptu…
  • A Aix les Bains, milonga de la tarde sur les terrasses du casino avec ambiance guinguette.

   Une suggestion: il faudrait que les festivals donnent une place plus active à la littérature,à la poésie, au théâtre et à l’écriture: les letras, les écrivains sud américains, particulièrement ceux qui ont écrit sur le tango et la culture argentine, l’écriture autour du tango dans la complicité avec la musique et la danse… Autant de pistes à explorer ou renforcer, éventuellement avec les écrivains et les librairies qui sont prêtes à jouer le jeu.

   Merci à ces trois Festivals, pour les moments de danse heureuse et pour la promotion de la culture argentine dans la convivialité.

par chabannonmaurice

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