La conférence que j’ai eu l’occasion de donner en plusieurs lieux – Vaison, Avignon… à l’occasion d’ événements divers du calendrier du tango, a connu le meilleur accueil au Festival de Tarbes, sans doute parce que c’est un lieu où chaque danseur est amené à faire des choix, dans un menu qui touche tous les genres culturels, de la performance picturale aux cours de musique, en passant par les concerts. Les auditeurs avaient donc choisi d’être là plutôt qu’à l’apéro tango. En outre, la prestation de deux amis chanteurs avec lesquels j’ai choisi les illustrations chantées de mon propos, a été appréciée. Plusieurs auditeurs, habitués de la capitale argentine et adeptes de ses milongas, m’ont confirmé la justesse de mes observations.
Le public au Celtic Pub à Tarbes, et Chantal et Gérard, interprétant un morceau en duo. Merci.
Dans mon exposé, j’ai choisi, comme fil directeur, le fait connu de beaucoup, que dès ses origines et jusqu’à nos jours, le tango est une création populaire, sans cesse réactivée, au fil des années, par les pratiquants eux mêmes qui réagissent aux propositions des organisateurs, orchestres, maestros et DJs. De ce fait, les milongas, au moins en Argentine et souvent ailleurs, sont un lieu de rendez vous ouvert à toutes les couches sociales, qui s’y retrouvent sans a priori et surtout sans sélection, certes pour danser, mais aussi pour se rencontrer autour de l’accueil, du bar, du restaurant, d’une table de la salle.
Nul n’ignore que la musique, les letras, même pour les œuvres les plus élaborées et poétiques ( Cadicamo, Manzi, Ferrer…), sont d’essence populaire et les plus grands musiciens ou chanteurs, comme Troilo ou Rivero, étaient de milieux modestes. Leurs photos figurent souvent en bonne place dans les milongas, les bars et cafés, sans parler des librairies de Corrientes. Les premiers danseurs célèbres, quels que soient leurs talents, comme El Cachafaz ou Gavito, ont émergé de la masse. Les orchestres étaient d’abord d’un barrio et se sont sophistiqués ensuite par émulation face aux attentes, parfois plus mondaines, et surtout avec le talent extraordinaire des chefs, arrangeurs et musiciens. La plupart des instruments restent d’ailleurs ceux de la musique du peuple, y compris le mythique bandonéon.
Les photos des célébrités du tango sont omniprésentes, dans les milongas, le métro, les bars…
Quant aux codes de la milonga, traces d’un comportement galant, chevaleresque… et réaliste, étaient-ils là à l’origine pour réguler les bals et éviter toute confusion, voire règlement de compte…? J’y reviendrai mais la conférence est l’occasion de montrer leur pertinence mais aussi de s’interroger sur les risques de déviance des encuentros et autres marathons qui introduisent quelques dogmes élitistes. Quels que soient les animateurs, leurs orientations pour l’animation, la disposition des tables et le choix de la musique, les milongas, à Buenos Aires, mais aussi à Cordoba ou à Salta sont éminemment conviviales et, surtout si on va dans un lieu d’un quartier populaire, on s’y sent très vite bien… Dans d’autres milongas de la ville, quand le lieu a trop été façonné aux attentes d’un cercle de danseurs européens, c’est moins flagrant.
Je me tiens à la disposition des danseurs et surtout des associations qui seraient intéressés par mon propos et par la conférence, et bien sûr, pour m’apporter, au besoin, la contradiction.