Je n’ai encore jamais eu l’occasion de parler en détail du bandonéon, voix et symbole mythique du tango, plus prestigieux et élégant que les bas résilles ou les jupes fendues mis en avant dans les publicités… Pourtant, dans mes nouvelles « Avec un tango à fleur de lèvres », écrites en 2011 ( édition épuisée…), l’une s’intitule « Le bandonéon de Celeste » et raconte en fait l’histoire de l’instrument que j’ai acquis à Buenos Aires sur un coup de coeur que je ne regrette pas. Dans mon roman «La dernière cuite» le bandonéon est aussi l’instrument vedette et il le sera encore dans celui que je rédige actuellement. J’ai lu depuis, en consultant le blog de Solange Bazely, Toulousaine bien connue des participants au Festival TangoPostale, ( http://www.bandoneonsansfrontière.blogspot.com ), qu’elle avait aussi acheté le sien sur une impulsion tout aussi impérative. J’invite et j’incite les curieux et amoureux de cet instrument et de sa place dans la musique de tango, à consulter ce site très documenté et à guetter l’arrivée d’un livre que Solange prépare de longue date et qui devrait sortir en 2016. Je ne me substituerai donc pas à cette passionnée et ne parlerai de cet instrument que lorsque l’occasion me sera donnée de le mettre en scène dans une histoire personnelle. On peut aussi consulter de nombreux ouvrages sur le bandonéon et je lis actuellement un ouvrage de Juan Manuel Peña “ El Tango en el Teatro Colón ” ( M.H.Oliveri – Buenos Aires – 2006 ) rédigé en espagnol, où il est question des prestations des grands musiciens du tango et notamment des maestros du bandoneón qui jouèrent dans cette magnifique salle. Les amateurs pourront trouver de quoi se documenter dans la bibliographie citée par Solange sur son blog ou sur les sites qu’elle indique en liens.
Pour revenir à mon bandonéon, si j’en parle aujourd’hui, c’est parce que ce 21 novembre, j’ai eu le plaisir d’entendre Juan Jose Mosalini en jouer et en tirer des sons que je suis bien loin d’obtenir malgré ma bonne volonté pour suivre des cours avec Fernando Maguna et maintenant avec Yvonne Hahn dans le cadre du Conservatoire du Grand Avignon. Yvonne a en effet lancé une classe de bandonéon qui fonctionne pour la deuxième année et qui a déclanché un véritable engouement pour cet instrument puisqu’elle compte 15 inscrits ! Yvonne organise périodiquement des master classes avec des talents reconnus et après avoir travaillé avec Hector Varela en septembre, elle a invité Juan Jose Mosalini à diriger un travail en petits groupes ( bandonéons, piano et contrebasse) puis avec un orchestre complet, composé d’instrumentistes divers du Conservatoire. Il y avait même un chanteur venu de Montpellier.
Il est extrêmement intéressant d’assister à toute répétition d’orchestre, quel que soit le répertoire musical, pour voir comment un chef imprime sa marque à une interprétation et met l’accent tantôt sur la mélodie, tantôt sur le tempo, tantôt sur les effets sonores, en la circonstance sur ceux propres au tango ( pizzicatis ou chicharras pour les violons, frappe des caisses pour la contrebasse ou les bandos…) Il est aussi touchant de voir comment des musiciens, aussi doués soient-ils, sont attentifs aux conseils d’un grand spécialiste du tango et j’ai plusieurs fois pensé au film documentaire » Si sos brujos » ( projeté en France sous le titre “Une histoire de tango”). Deux moments privilégiés à mettre en relation avec la danse, quand on la pratique: Mosalini, travaillant sur le rythme avec un instrumentiste, marche sur celui du tango en marquant le tempo avec les doigts, et lui demande de penser aux danseurs qui vont se caler sur la musique. Avec d’autres, il insiste sur la nécessité pour tout musicien, de toujours chanter d’abord la partition, non seulement pour s’en imprégner mais pour penser aux inflexions de la voix qui peuvent aussi être celles de l’instrument pour éviter une interprétation qui serait plate… Enfin, et c’est la moindre des choses dans un orchestre, mais aussi dans un bal, il souligne la nécessité absolue d’écouter l’autre:« On ne joue pas chacun pour soi, le nez sur sa seule partition !» On comprend alors pourquoi la plupart des danseuses et danseurs, à Buenos Aires, chantent en sourdine en dansant. Mais, ce qui était frappant, notamment en suivant le travail avec l’orchestre, c’était la façon dont Mosalini a influencé des musiciens qui pour la plupart se destinent à la musique classique, pour les amener à sentir les particularités du tango. C’était aussi le fruit d’une grande patience et d’une gentillesse tranquille, celle qu’on voit chez les grands du bandonéon. Merci à Juan Jose pour cette leçon de musique et de vie.