Buenos Aires est une ville riche en sites culturels divers, musées, théâtres, Opéra… sans compter des bars notables, peñas et autres lieux informels. Et cela sans parler ni du spectacle architectural à ciel ouvert offert par la ville, pour peu qu’on lève la tête, ou des nombreux parcs aménagés avec statues, monuments… On peut se régaler aussi des librairies, si nombreuses et actives, que la ville se flatte d’être la première sur le plan international pour le rapport habitants/librairies. A noter que certaines sont souvent des lieux historiques et remarquables, parfois avec un bar.
En outre, depuis quelques années sous l’impulsion de Cristina de Kirchner, sa Présidente remplacée démocratiquement depuis peu, mais aussi de la ville de Buenos Aires, de nouveaux lieux de culture ont été ouverts avec une volonté de les mettre au service du peuple par des entrées gratuites. Una “ Ronda cultural” propose même que «les familles et amis rencontrent la culture» grâce à un circuit organisé en minibus, avec des guides et une intervention artistique présentée dans un des lieux visités. Je parlerai surtout de deux d’entre eux que nous avons particulièrement appréciés au cours de nos récents séjours.
La Usina del Arte est installée dans une ancienne usine d’électricité aux allures de palais florentin en briques rouges, avec une tour imposante, dans le quartier de La Boca. Si l’aspect extérieur a été conservé, y compris avec les rails d’entrée d’un train, l’espace intérieur a été entièrement restructuré : plateaux d’expositions, salles de conférences, espaces pour spectacles variés et superbe auditorium où alternent concerts et spectacles. L’année dernière, nous avions pu écouter l’Orchestre de tango de Buenos Aires, sous la direction de Nestor Marconi puis le quartet de jazz de Pipi, le petit fils de Piazzolla et les deux formations avaient ensuite joué ensemble. Une prestation de belle audience et un hommage appuyé à Piazzolla, et pour cause… Cette année, nous avons découvert fortuitement que Mora Godoy s’y produisait avec sa troupe, dans le spectacle qui a tourné en Europe et qu’elle offrait aux Porteños. Si le tango de scène ne nous convainc plus par ses côtés convenus et ses effets chorégraphiques pour touristes, il faut reconnaître que celui ci est emballant par une chorégraphie parfaitement réglée en première partie, avec deux couples en vedettes. Puis, en seconde partie, on bascule dans un spectacle dynamique et onirique sur la musique électronique en vivo par l’étonnant DJ, Martin Ferrés, qui manie à la fois ordinateurs, boîte à musique et … bandonéon ! L’acoustique de l’auditorium est excellente, et ces soirées sont un plaisir. Décuplé, quand après le spectacle de Mora, une Milonga est organisée sur l’un des plateaux, avec l’orchestre “ Herederos del Tango”, costumes, nœuds papillon et musique impeccables. Danser dans ce lieu et sur la musique en vivo a quelque chose de magique.
A la Usina, le salut final, sous les ovations, permet de voir la salle…
Le Centre Nestor Kirchner a été inauguré en mai 2015 dans les bâtiments de l’ancien Correo Central, désaffecté depuis longtemps et dont le Président Nestor, avait prévu de faire un lieu de culture. Projet réalisé par sa femme, Cristina, pendant son dernier mandat et après de longues années de travaux. Les façades impressionnantes ont été conservées, là aussi, avec des éléments internes des bureaux d’accueil, rénovés avec le mobilier d’origine. L’intérieur a été repensé, restructuré avec des techniques modernes, et, en dehors des multiples plateaux, salles d’exposition, salles de travail et conférence, bibliothèques, espaces ludiques pour adultes et enfants ( voir mon article précédent sur l’abrazo ), deux lieux retiennent l’attention. D’abord “La Ballena Azul”, une structure suspendue en forme de cétacé, qui est un gigantesque auditorium de 1750 places dont l’intérieur est massivement en bois, pour une acoustique parfaite. Être dans le ventre de la baleine pour y écouter Le Requiem de Verdi, et ce gratuitement, relève du rêve ! Une autre salle nous a enchantés. La coupole du bâtiment, comme il y en a dans beaucoup d’édifices à Buenos Aires, a été transformée en salle de concert vitrée pour des spectacles plus intimes. Dans » La Cupula », nous avons écouté un conteur humoriste, Horacio Fontova, et si nous n’avons pas tout saisi de son humour et de ses coups de patte politiques , nous avons beaucoup aimé sa musique. En prime, des terrasses voisines, vue imprenable sur Buenos Aires et notamment sur Puerto Madero et le Puente de la Mujer.
Centre Kirchner: la façade, la Cupula ( extérieur et intérieur), H.Fontova.
Dans ces lieux, la politique culturelle à délibérément fait le choix de la gratuité et ça marche puisque des familles entières et beaucoup de jeunes y déambulent et assistent aux spectacles. Un gigantesque livre d’or témoigne de la satisfaction des visiteurs.
Sous la Ballena Azul dont on aperçoit les flancs en mailles métalliques…
L’orgue de facture très moderne et la structure en bois des cloisons.
La photo à la une donne un aperçu du concert avec choeur et solistes.
Il faut dire que dans les autres lieux, comme le Teatro Colón, les meilleures places sont à des tarifs qui les mettent hors de portée du peuple et elles sont le plus souvent monopolisées par les classes sociales fortunées. Les quatre représentations de « Parsifal », début décembre, s’y jouaient pratiquement à guichet fermé.
Nous incitons donc les amoureux de Buenos Aires à découvrir ces lieux à l’occasion d’un prochain séjour. Sur internet, on trouve programmes et conditions de réservation.