Lors de notre récent séjour à Buenos Aires, dans toutes les milongas, on incitait les danseurs à aller voir ce film dont la sortie était programmée début décembre. Bien que nous ne maîtrisions pas parfaitement l’espagnol, nous avons profité de la proximité du complexe cinématographique d’ Abasto pour assister à la projection qui mobilisait peu de spectateurs. En effet, malgré le souci de mettre le scénario à la portée du public, il faut un minimum d’approche de la culture et de l’esprit du tango pour entrer dans l’intrigue. Et tous les Argentins ne dansent pas le tango !
L’histoire chorégraphique et amoureuse de Maria Nieves et Juan Carlos Copes est la trame de cette pellicule dont le producteur artistique, Pablo Fidanza, confirme que, compte tenu de l’âge des protagonistes, il vise à laisser une trace du parcours mythique et tumultueux d’un des couples les plus célèbres de l’histoire contemporaine du tango, comme si on redoutait la disparition de ces deux très grandes figures de la scène, encore vivantes et actives. Wim Wender, le producteur, n’est-il pas un spécialiste des chroniques des légendes vivantes de la vie artistique ? Il en émane d’ailleurs une certaine mélancolie, à voir Maria déambuler dans un Buenos Aires contemporain, ou le grand Juan Carlos promener son chien, comme le faisait d’ailleurs Balcarce dans le film “Si sos brujos”.
J’invite les lecteurs hispanophones à découvrir le dossier très complet que la revue mensuelle Argentine « El Tangauta » présente, avec photos et interviews des réalisateurs et artistes, dans son numéro 251, de novembre 2015 ( voir le site http://www.tangauta.net ). J’espère que le film sera un jour projeté en Europe et en France où les générations montantes de danseurs chassent peu à peu les vieilles gloires… Mais il a déjà reçu des applaudissements au Canada, au Japon et dans quelques autres pays…
De ce film, j’ai personnellement retenu plusieurs aspects qui me paraissent autant d’atouts :
♥ le visage à la fois lumineux et blessé de Maria Nieves, qui traduit la difficulté d’assumer sa volonté de vivre seule, sola, mot qu’elle répète plusieurs fois, choix fait par désespoir amoureux, “un puñal en el corazon”. A elle seule, elle résume l’impossible pari de faire coexister, dans le couple, le tango, les impératifs professionnels de la scène et la vie amoureuse. Nous connaissons tous des couples professionnels – et parfois des couples de simples danseurs – qui volent en éclats. Celui de Maria et Juan Carlos, malgré les enchantements de la rencontre, n’a pas résisté à la dynamique qui portait Copes pour donner au tango de scène ses lettres de noblesse internationales. Les dernières images du film ou l’on voit les deux vedettes quitter la piste en se tournant le dos sont significatives, mais tristes.
♥ l’habileté avec laquelle le réalisateur, German Kral a retracé trois phases de la vie du couple avec un duo de jeunes danseurs ( Juan Malizia et Ayelén Alvarez Miño) pour les débuts, un autre pour l’âge adulte ( Pablo Verón et Alejandra Gutty ) et enfin les vrais protagonistes dans leur âge actuel. Se mêlent ainsi scènes et chorégraphies, images d’archives, concertations entre acteurs et analyses de Maria et Juan Carlos, la première plus à l’aise et plus pugnace que le second. Juan Carlos paraît en effet plus réticent dans ses interventions.
♥ Les chorégraphies ont été préparées par des maestros choisis, Melina Brufman, Leonardo Cuello, Brenda Angiel, Pablo Verón et Sabrina et Ruben Veliz. Les musiques de Luis Borda, du Sexteto Mayor et de Gerd Baumann portent l’ensemble. Et, si l’on connaît déjà la maîtrise d’un Pablo Verón, il faut admirer la juvénile interprétation de Juan et Ayelén, choisis parmi un casting de 100 couples, et révélation du film par leur spontanéité et leur technique toute en finesse, sans doute assez proche du couple de référence. Copes rend d’ailleurs hommage à leur interprétation : “excelente trabajo …muy bueno”
Pablo Fidanza conclut son entretien dans Tangauta en soulignant qu’une des ambitions du film, par delà l’histoire des deux partenaires, est de montrer la beauté et la profondeur du langage du tango, et en particulier de ce qu’il doit à l’inventivité du couple, célèbre pour l’éternité.
Je signale aussi que Maria Nieves a écrit un livre témoignage et biographique « Soy Tango » : voir sa présentation dans le numéro 95 de La Salida, ( octobre à novembre 2015 ) page 6. J’ajoute ci dessous trois photos que j’avais prises au Dandy, lors de la fête d’ anniversaire organisée par sa fille et où Copes avait dansé avec celle-ci sur les paroles d’ “Existir”, superbe poème d’ Horacio Ferrer qui récitait lui-même son texte.
Bonsoir Maurice,
Je sors de la projection de « Un tango más ».
Ayant très peu lu sur l’histoire de Copes et Nieves, j’ai beaucoup aimé le film -dans cet après-midi d’été- l’ambiance de Buenos Aires, et tout particulièrement la manière dont est filmée Maria qui livre beaucoup d’elle-même et nous offre, après tant de succès, mais aussi de turbulences personnelles, un beau portrait de femme argentine, avant tout « tanguera ».
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