En décembre dernier, au cours d’une ballade dans San Telmo, quartier des antiquaires dont j’aurai l’occasion de reparler, nous avons eu la bonne surprise d’assister à un défilé de murgas, pour marquer l’ouverture du 4ème festival de ce barrio, manifestation consacrée d’abord au tango ( nombreuses milongas) , mais aussi à la culture et au folklore par des événements divers initiés par le Centre Mercedes Sosa. Les murgas ont créé dans les rues une belle animation sonore et dansante, prélude joyeux au festival.
Les orchestres de murgas s’entraînaient-ils déjà pour le Carnaval ? Cette importante festivité argentine et urugayenne va en effet se dérouler tout au long du mois de février, avec un temps fort dans le week end avant Mardi gras du 9 février. Les murgas, qui existent depuis plus d’un siècle, expriment un art de rue, à la fois genre musical et représentation plus ou moins improvisée, qui mêle danse, théâtre voire cirque. Elles révèlent les origines noires de la population du Rio de la Plata et ont assimilé des éléments empruntés à diverses cultures, comme le tango. Généralement, un orchestre comporte surtout des tambours, des bombos dont j’ai parlé dans plusieurs articles précédents, des cymbales et autres petites percussions… et des sifflets qui rythment les évolutions acrobatiques des danseurs, un peu comme c’est le cas chez nous avec les majorettes ! Un accordéon, des flûtes et parfois des cuivres peuvent être de la fête. Les danseurs évoluent sur des rythmes simples qui tiennent à la fois du défilé militaire, de la parade gymnique et des acrobaties de cirque sans s’interdire, depuis peu des figures empruntées au rap. En Uruguay, plus particulièrement, quelques acrobates rivalisent dans des sauts en hauteur spectaculaires et dans le Carnaval, dans la région de Salta, la danse, sous l’effet de la coca, tolérée dans cette région, touche parfois à la transe. Tous les danseurs portent des costumes colorés, qui sans avoir le brillant de ceux du carnaval brésilien, affirment la négritude et la fantaisie, surtout pour le meneur de jeu qui parade en tête de la troupe et peut parfois revêtir un costume de clown.
Musicalement, la murga n’est pas un genre mineur et les musiciens et chanteurs qui ont illustré le genre cherchent à lui donner ses lettres de noblesse. Juan Carlos Cáceres, récemment décédé, avait publié en 2005 un disque “Murga argentina” qui met à l’honneur ce genre et des musiques proches comme le candombe, la milonga… ou la marcha camioneta ! Il avait collaboré avec un autre artiste, Ariel Prat, qui sort ces jours ci un disque ( voir le blog www. barrio-de-tango-blogspot.com de D.A. Clavilier ). Cáceres parle aussi en détail des musiques qui ont influencé le tango dans son ouvrage “ Tango Negro », paru en 2010, préfacé par l’auteure du blog cité qui l’a traduit et annoté pour une publication française ( Edition du Jasmin).
Enfin, la murga, si elle est omniprésente en période de Carnaval, rythme d’autres festivités et inaugurations, soutient les supporters des clubs de football et appuie les revendications des manifestants. Elle était très présente lors des récentes élections présidentielles et accompagnait les partisans des deux camps en concurrence, mais nous l’avons vue aussi, Rue Florida, martelant les réclamations des habitants d’un quartier privés d’eau et d’électricité. La contestation prend alors des airs festifs et pacifiques, grâce aux instruments de la murga.