J’en viens, pour terminer mes articles sur la Feria de San Telmo, au décor que constitue ce quartier historique et mythique, lieux qu’on voit mal le dimanche, dissimulés qu’ils sont par les stands et par la foule des badauds. Mais comme nous le disait une Portègne d’origine française et dont le grand père, architecte a construit de nombreux immeubles de la capitale, dont la Banque Centrale, à Buenos Aires, il faut savoir chercher et regarder en l’air pour déchiffrer l’histoire ou lire les plaques commémoratives. Et ce qu’on remarque à San Telmo, c’est l’unité créée par une juxtaposition de maisons de style colonial, d’une hauteur modeste et uniforme, depuis quelques années en rénovation progressive, grâce aux commerces et hébergements qui y prolifèrent.
Le barrio de San Telmo est, comme le savent les fervents de la capitale, l’un des quartiers les plus anciens de Buenos Aires, avec les premières églises et des demeures aristocratiques imposantes souvent délabrées aujourd’hui, car elles furent délaissées au moment où la fièvre jaune obligea les propriétaires à migrer vers des barrios plus sains. Des immigrés plus démunis, à la recherche de logement y installèrent alors des conventillos, maintenant recyclés en magasins. La visite indispensable d’El Zanjón, calle Defensa 755, une demeure historique, rénovée et protégée donne une idée des utilisations diverses d’un tel bâtiment et permet de voir les couches archéologiques successives du peuplement. On peut aussi découvrir, dans le quartier, une des plus petites maisons d’origine, la Casa Minima, 380 Pasaje San Lorenzo.
Il faudrait consacrer un article détaillé aux églises du secteur, avec notamment l’Iglesia Ortodoxa ( Brasil 315), qui étonne dans le paysage, et La Basilica Nuestra Señora del Rosario ( Defensa 422) avec, sur son parvis le spectaculaire mausolée du Général Belgrano. Je retiens d’elles un portrait en filete du Pape François, gloire nationale, dans l’église Nuestra Señora de Belén ( Humberto 1er 340) et le souvenir d’un éblouissant concert de bandonéon, hommage à Troilo en 2014, joué sur un de ses instruments par les plus grands artistes de la capitale.
Le coeur de San Telmo est la Plaza Dorrego, charmante par ses dimensions restreintes, par rapport aux parcs de la ville. Elle est envahie par les terrasses des bars, tourisme oblige, avec danseurs de tango sur bande de linoleum… ( photo à la une), mais c’est un endroit agréable pour une pause. Comme le sont aussi plusieurs bars remarquables du secteur et notamment El Dorrego Bar, (1098, Defensa ), vieillot à souhait avec ses tables et son comptoir marqués d’inscriptions célèbres, mais envahi par les touristes. Nous préférons le Bar El Federal, à la esquina de Perú y Carlos Calvo, au somptueux présentoir décoré, qui propose aussi une restauration intéressante, et on peut y déguster une tarte renversée des plus alléchantes, accompagnée d’un torrontes excellent…
Notre café préféré reste le Café la Poésia ( esquina de Chile et Bolivar ) parce que l’âme d’ Horacio Ferrer y plane depuis qu’il le fréquentait régulièrement ( voir mes articles des 08/10, et 27/12/2014 ) et parce que la clientèle est populaire, étudiants amoureux et vieux portègnes esseulés, utilisant volontiers la terrasse extérieure.
Quant aux restaurants, si nous avons essayé, un jour de fête, La Brigada (Estados Unidos 465), réputée pour son cadre, son service et sa cuisine, c’est chic, avec une des meilleures viandes de la ville, mais cher, et il faut préférer El Desnivel ( Defensa 855 ), parrilla très populaire et souvent bondée, mais où on déguste un bife de lomo à couper à la fourchette et les abats les plus recherchés ( goûtez les rognons ou les ris de veau ! )
Les historiens et musicologues affirment que le tango prospéra dans ce quartier et aujourd’hui encore on trouve des bars restaurants installés de longue date et qui proposent des dîners spectacles de qualité… pour touristes. C’est le cas de El Viejo Almacen ( Balcarce 799) fondé par le chanteur E. Rivero, ou du Bar Sur ( Estados Unidos, 299). On peut se loger dans des hôtels simples ou de belles casas de tango, dont La Mariposita, celle de Carolina Bonaventura ( Carlos Calvo 950). Le tango s’y affiche en plein air pour les touristes et les milongas sont nombreuses et actives : Buenos Aires Club ( Bendita milonga et Maldita milonga, Peru 571 ), Club Independencia ( Independencia 572), Mansion Dandi Royal ( Piedras, 922)… et quelques autres. Des magasins de vêtements et chaussures de tango se sont du coup installés dans ce quartier vitrine ( Maria Jazmin, Humberto 1er 578; Raquel, Bolivar 554 ).
Pour conclure, le barrio de San Telmo reste un des plus attachants de la ville, pour peu qu’on y cherche l’authenticité historique et sociale, les contacts humains… un plat savoureux ou un chapeau à la Gardel !