MAGIC CITY et le tango à PARIS.

A propos du tango en France et plus particulièrement à Paris, le “Dictionnaire passionné du Tango”, déjà cité dans mes précédents articles, reprend une phrase portègne qui dit : « Buenos Aires est l’épouse et Paris est la maîtresse.» On est ainsi dans le registre de l’amour régulier ou illicite mais tous les danseurs savent que la propagation de notre danse favorite doit énormément au nomadisme entre les deux capitales. Pour mieux cerner cette relation passionnelle et fusionnelle, je conseille à mes lecteurs de se reporter à l’article très documenté du Dictionnaire qui    développe sur plus de 15 pages, l’historique de la vie du tango à Paris et met en valeur les acteurs vedettes dont Gardel, mais aussi des poètes, compositeurs, musiciens, danseurs, et personnalités diverses comme Cadicamo, les frères Canaro, Tania ou Copés… 

Dans ces échanges permanents et ce bouillonnement d’activités, un lieu va jouer un rôle dynamique, dans un cadre insolite puisqu’il s’agit d’un parc de loisirs et d’attractions dont on pourrait penser qu’il s’agit d’un concept récent. Il s’agit de “Magic City” qui a fonctionné de 1910 à 1942, en face du Pont de l’Alma, avant d’être transformé en studios de télévision qui porteront le nom du fondateur du parc Ernest Cognacq-Jay. C’est à ce lieu mythique que André Vagnon vient de consacrer un ouvrage, pour l’instant sur internet, avant une publication papier envisagée. Pour ce premier livre en e-book, proposé par la collection Bibletango, l’auteur a effectué des recherches dans les archives pour le texte, les illustrations, la musique, les films d’animation d’époque, et la lecture et l’écoute permettent des découvertes étonnantes, tant dans l’iconographie que dans les tangos. 

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Mais ceux qui connaissent André savent que sa curiosité insatiable déniche des petits trésors. Il en va ainsi des affiches, publicités, cartes postales ou films d’époque qui illustrent les différents chapitres. Les plus captivants pour les danseurs, sont le chapitre 3 consacré aux bals, spectacles et expositions, et le chapitre 5 qui détaille les Bals de la Mi-Carême,  bals travestis fréquentés par une population homosexuelle que Brassaï a filmés avec réalisme et humour.

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Le livre interactif, magnifiquement mis en scène pour les films et animations par Jean-Philippe Dégletagne, est accompagné de renvois multiples, d’annexes détaillées et d’une bibliographie. La discographie des tangos enregistrés par les orchestres tziganes, très en vogue à l’époque est des plus intéressantes ( annexe 18 ), comme les manuels de cours de tango argentin de Bayo et Chrysis ( annexe 24 ). Ne manquez pas, en conclusion la démonstration de tango ou la carte d’invitation sur le bal des internes au Bal Bullier, suivie des tableaux de Sonia Delaunay sur le même sujet ( annexe 4 ).

Un conseil: consultez vite ce travail remarquable et vous aurez envie de l’acheter: les quelques photos ci dessus devraient vous mettre l’eau à la bouche et des fourmis dans les pieds. 

                  https://itunes.apple.com/fr/book/magic-city/id1104651900?mt=11 

par chabannonmaurice

LE BANDONEON, instrument aux multiples facettes.

         L’histoire de l’instrument emblématique du tango prétend que le premier bandonéoniste fut un militaire du Paraguay, qui, en 1870, défila dans les rues de Buenos Aires avec son instrument, au sein des troupes du Général Bartolomé Mitre pour fêter la victoire dans la Guerre libératrice de la Triple Alliance. Ce José Santa Cruz et son bandonéon avaient bien mérité de la Patrie car l’instrument avait distrait et réjoui les troupes pendant les veillées de bataille. Il l’avait acheté à un marin allemand et à l’origine, l’instrument était conçu comme un “ organito” portable pour animer mariages, défilés et processions en plein air. Comme le saxophone prévu par Adolph Sax pour la musique militaire et des concerts académiques et devenu la vedette du jazz, le bandonéon de Heinrich Band, son inventeur, fut incorporé aux orchestres de tango, délogeant la flûte pour prendre le premier rang et exprimer les plaintes et complaintes des compositeurs : 

               « ¡ Che papusa, oi… los acordes melodiosos que modula el bandoneón…»                                                                                                                                                                        E. Cadicamo, “¡ Che papusa” 1927)

C’est donc un peu abusivement que le bandonéon , diffusé en Argentine et dans toute l’Europe par les marins et immigrants, tient le devant de la scène seulement dans le tango et qu’on oublie les possibilités musicales que lui donne sa conception définitive par l’allemand Carlos Zimmermann et reprise par Ernst Louis Arnold : 2 claviers, un registre différent pour chacun en tirant et poussant et…144 notes. Le concert qui s’est tenu le 24 juin dernier au Conservatoire du Pontet et qui avait été préparé par les master classes avec J.J.Mossalini et V.H.Villena ( voir mes articles précédents) a montré, selon la volonté d’Yvonne Hahn, professeur au Conservatoire Régional du Grand Avignon, que notre instrument fétiche pouvait aborder un vaste répertoire. 

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   Trois moments du concert, le dernier avec un des plus jeunes bandonéonistes.

En effet, le programme qui a été concocté par Yvonne Hahn en collaboration avec d’autres professeurs du Conservatoire et avec le parrainage des deux bandonéonistes argentins cités plus haut, comportait évidemment des morceaux dédiés au tango, notamment joués avec brio par un orchestre de tango dirigé par Juan José Mosalini ( “Ciudad triste”, “Trenzas”, “Bordoneo y 900”, “Yo soy Maria”), ou en duo de bandonéons, sous la direction de Victor Hugo Villena ( “Milonga para Samuel”, “Paysaje Azul”). Mais l’intérêt du concert résidait d’abord dans le choix de morceaux du répertoire classique avec Arvo Pärt ( 10 bandonéons et 4 accordéons soutenant un choeur),  Kurt Weill et Purcell ( piano,  7 bandonéons et choeur avec solistes) et Reynaldo Hahn ( piano et 3 bandonéons). Enfin, en point d’orgue, un “ Double Concerto pour bandonéon et accordéon” était créé à l’occasion du concert, sur une composition commandée par le Conservatoire du Grand Avignon, à Alejandro Schwarz, compositeur argentin, présent ce soir là et très ému par la qualité de l’interprétation ( solistes : V.H.Villena au bandonéon et Eric Pisani à l’accordéon). Ajoutons qu’en prime ce concert a permis de gommer la supposée rivalité entre les deux instruments : « trop souvent confondus, méconnus, ces deux instruments ont été enfermés pour l’un dans le tango, pour l’autre dans le musette. Il s’en libèrent aujourd’hui.» ( extrait du programme). C’est ce qui justifiait le titre subtil du concert “ Lames libérées – L’âme libérée.”

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                            Les deux solistes du Double Concerto.

Dans une salle comble, les spectateurs n’ont pas ménagé leurs applaudissements et leurs commentaires sur les découvertes faites au fil de ce concert où la collaboration harmonieuse entre les différentes classes du Conservatoire était évidente ( une mention spéciale pour la classe de chant, excellente dans plusieurs morceaux ). Mais ils ont surtout, par ces bravos nourris, encouragé les professeurs, les élèves de tous âges, et les artistes solistes nationaux et internationaux. Ils ont entériné le fait que pour sa deuxième année d’existence, la classe de bandonéon, créée par Yvonne Hahn a pris toute sa place dans la région et a donné ses lettres de noblesse à l’instrument. Merci à Yvonne pour ce travail de fond. 

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Sur scène, A.Shwarz, J.J. Mosalini, V.H Villena, E. Pisani et le chef d’orchestre M. Barruol.

 

par chabannonmaurice