J’ai déjà eu l’occasion, dans des articles précédents de souligner combien musique et chant étaient partie prenante de la vie quotidienne argentine et nous le vérifions chaque jour, depuis qu’a commencé notre 9ème séjour ! C’est un élément culturel quotidien qui va de soi, pour l’ami qui vous reconduit chez vous, et qui se trouve être le neveu de Fresedo, et qui entonne, au long du parcours, quelques mesures de tango ; et tout aussi bien pour la danseuse que vous tenez en abrazo, et qui murmure à votre oreille les paroles de « En est tarde gris » ! Ceux qui s’étonnent de notre constance à revenir à Buenos Aires, comme ceux qui assurent qu’on danse aussi bien en Europe, mesureront que c’est cet élément, parmi d’autres, qui nous fascine et que nous rencontrons, souvent par hasard, ou que nous recherchons avec obstination, parfois grâce aux suggestions d’amis du cru.
Depuis le début de notre séjour, nous avons été comblés. A la première milonga « Marabú », le soir de notre arrivée, au Maracaïbo, lieu mythique qui vit Troilo tirer le bandonéon, nous avons pu écouter et danser sur la musique de l’Orquesta « Los Reyes del Tango » que nous suivons depuis que nous venons dans ce pays et qui fête cette année, le 80ème anniversaire de son chef et contrebassiste, R.S.Rivera. Ecouter, mais aussi regarder ces huit musiciens jouer dans le style d’Arienzo est un grand moment, cadeau du jour de l’arrivée. Jamais les Argentins ne dansent sur les premiers morceaux, quand les musiciens attaquent le concert : ils écoutent et dégustent la musique, apprécient le jeu des instruments et il faut dire que cet orchestre là donne le meilleur de lui même ! Voir les trois bandonéons déployer le fueye avec autant de dextérité que d’élégance, debout, pied posé sur un tabouret, puis savourer avec le sourire, les applaudissements chaleureux du public, est un pur régal. Comme celui de danser sur leur musique énergique, éclipsant largement le DJ du soir que nous avons modérément apprécié. Et ce soir là nous avons aussi rencontré la rédactrice du Journal « La Milonga » où nous devrions figurer en photo dans le numéro de décembre !
Quelques jours plus tard, nous avons préféré un concert à la milonga que nous avions préalablement choisie. En effet, la clôture d’un nouveau festival « Urchasdonia », créé par quatre barrios, consacrait la despedida à un concert où se côtoyaient amateurs et professionnels dont Cucuza CASTIELLO et Ariel ARDIT. Ceux ci sont intervenus dans un style différent, après que quelques chanteurs et danseurs amateurs aient ouvert la soirée. A noter que plusieurs danseurs étaient éminemment âgés mais évoluaient avec de jeunes maestras, très attentives à leur guidage et toutes en précautions avec ces papys du tango : très émouvant. Les deux chanteurs vedettes étaient à la hauteur de leur réputation et nous avons apprécié leur puissance vocale, leur qualité expressive et l’humour de leur présentation … quand nous le saisissions ! Bien sûr, j’attribue ma palme personnelle à « Pa que bailen los muchachos ! » de Troilo, interprété par Ariel Ardit avec conviction et dont le refrain chante que « la vie est une milonga » . Là encore l’écoute respectueuse et enthousiaste du public, dans une salle bondée, était remarquable avec, parfois, des réactions enthousiastes et des commentaires participatifs, la plupart des spectateurs connaissant parfaitement tous les morceaux chantés.
Deux grands moments enrichissants, au delà de la danse, que par ailleurs nous savourons dans les milongas dont je reparlerai dans un prochain article.