Amis de l’Argentine, de sa culture et du tango, amis danseuses et danseurs, je suis de retour après presque 2 années de silence… et à la faveur du confinement qui nous sépare momentanément les uns des autres. Ecrire est aussi une thérapie…
Depuis mes derniers articles, début 2018, nous n’avions pas pour autant rompu ni avec la musique et la danse, ni avec avec tous les amis et connaissances restés là bas et nous avons appris avec tristesse la disparition de plusieurs d’entre eux, souvent rencontrés par le biais du tango. Je pense en particulier à Ruben Reale, l’animateur dynamique et souriant du groupe qui a présidé à la conception et l’érection du monument à la gloire du bandonéon ( voir mes articles des 29/11, 9/12 et 10/12/2017 ). Il nous avait reçu chez lui et introduit à l’Academia Nacional del Tango. Il nous avait fait connaître Gabriel Soria, l’actuel Président de cet organisme si important pour la mémoire du tango. Nous avons aussi été émus par la mort brutale de Julio Balmaceda, Maestro avec lequel nous avions pris des cours à Tarbes, à l’époque où il dansait avec Corina de la Rosa et manifestait une joie exhubérante à la perspective de la naissance de sa petite fille. « La Salida » dans son numéro 117 de février-mars 2020 lui rend hommage. Ces deux hommes, par leur sourire contagieux et leur grande culture du tango, incarnaient toute la convivialité qui émane de notre danse favorite et en favorise la transmission. Les souvenirs heureux sont des liens solides et nous restons très attachés à ce pays dont l’histoire politique, économique et culturelle vient de connaître un nouveau revirement avec l’élection d’un Président de la République de gauche. Si vous voulez avoir des nouvelles diverses de ce pays, consultez régulièrement le site de Denise Anne Clavilier, par ailleurs auteure déjà citée d’une anthologie bilingue du tango, et de plusieurs ouvrages sur les grandes figures de la guerre d’Indépendance en Argentine : les généraux San Martin et Belgrano. http://www.barrio-de-tango.blogspot. com
Ci dessus Ruben Réale, le Monument au Bandonéon et Julio Balmaceda
Alors, pourquoi un si long silence ? D’abord parce que nous n’avons pu effectuer de nouveau séjour dans notre pays de prédilection et que je n’avais pas motif à alimenter mes chroniques. Mais, en dehors des soucis d’un déménagement, j’étais surtout accaparé par la rédaction, la mise en forme et la fusion, en un nouveau recueil, d’écrits épars auxquels il fallait trouver une unité. C’est fait et nous en sommes avec l’aide d’amis, à la mise en forme et en page. Je vous en reparlerai bientôt plus en détail et vous révélerai en temps utile le fil rouge. Mais, en ces temps difficiles, je voudrais d’abord parler du besoin d’écriture que chacun peut porter en soi et qui justifie aussi la reprise de ce blog comme moyen de communication. Si lire est une activité à la portée de chacun à condition d’en avoir le goût, le temps et les facilités, par exemple par la proximité d’une librairie ou d’une médiathèque, écrire se révèle plus difficile car cela exige inspiration et recueillement… Mais j’ai toujours aimé le faire, de la simple lettre familiale à l’adresse revendicative auprès des autorités locale ou nationales, sans parler d’écrits plus intimes. Sans prétendre me comparer aux grands écrivains, je sais que beaucoup ont décrit le vertige de la page blanche, le plaisir d’aligner les mots et la difficulté de le faire au mieux ! Pour d’autres et pour moi, le besoin d’écrire ne serait-il pas aussi une résistance au fait que nos pratiques de communication tuent le désir du mot et encouragent la facilité paresseuse ? Je hais les abréviations de commodité, de plus en plus courantes dans la conversation, les textos lapidaires et parfois idiots, l’argot de bon ton chez les jeunes – et leurs imitateurs ! – et qu’on veut faire passer pour un mode de culture. Est-il si difficile de dire petit déjeuner plutôt que « petit déj », d’écrire » je vous aime » , plutôt que d’envoyer des émojis en forme de coeur, fussent-ils en brassée, et d’éviter ces « meufs », à connotation méprisante ? On me trouvera sans doute rétrograde et on dira que c’est l’ancien professeur de lettres qui parle, mais la culture, sous toutes ses formes est d’abord un effort. Celui de respecter les mots, de les cultiver, de garder leur saveur paraît essentiel. Un des mes petits enfants un jour, m’a dit gentiment que j’employais parfois des mots du Moyen Age ! Mais je n’ai cessé de leur dire que, quelle que soit leur profession, ils auraient sans doute besoin de quelques uns d’entre eux, pour aboutir à un langage, non seulement expressif, mais aussi policé. Autre signe des temps : la raréfaction des belles émissions littéraires et les Bernard Pivot et Alain Rey se font rares : eux connaissaient la saveur des mots.Mais peut être bien que les temps présents vont nous inciter à la redécouvrir…
Ecrire, c’est ensuite trouver un sujet d’inspiration, même s’il peut paraître futile comme le tango, objet de mes écrits récents, avec l’envie de partager une histoire, une sensation, une admiration ou une fiction. C’est aussi se nourrir des premiers écrits qu’on a commis, pour aller au delà dans ceux qui suivront, aussi bien dans le sujet que dans la forme. Ce peut être aussi s’inscrire dans un sujet d’actualité : le contexte actuel va assurément inspirer des écrivains qui jusque là avaient fait une fiction des situations de catastrophe, tandis que d’autres se lanceront dans des oeuvres facilitant rêve et évasion face à l’angoisse quotidienne.
Ecrire, c’est ensuite choisir des mots pour bâtir des phrases et veiller à leur correction et à leur élégance. Ce n’est pas le plus facile surtout si l’on se croit une certaine aisance dans le maniement de la langue : être attentif au sens que percevra le lecteur, pratiquer l’épreuve du « gueuloir » à l’imitation de Flaubert, pour juger des sonorités et du mouvement de la prose, prendre du recul pour des relectures, des retouches et des abandons. Il faut à la fois patience et humilité… et silence. Mais comme je n’ai jamais écrit pour la gloire, ni pour un quelconque prix littéraire, je me plie assez bien à l’exercice, bien que cela demandât du temps pour assurer la cohérence de l’ouvrage notamment. Surtout quand il s’agit de récits et nouvelles, comme dans le livre auquel je mets la dernière main. Mais j’en parlerai dans mon prochain article.
A bientôt, amis lecteurs, danseurs et musiciens…
Note complémentaire : J’ai fait référence à « La Salida », magazine du tango argentin, publié par l’Association » Le temps du tango ». Cette publication est riche de découvertes pour un prix modique. Vous y trouverez notamment un cahier intérieur » Cafetin de Buenos Aires » dans lequel sont regroupés des tangos et leur traduction, autour d’un thème, et vous pouvez les écouter sur le site. Mais le Président a récemment attiré l’attention sur les difficultés rencontrées pour maintenir ce journal. Cela risque d’être aggravé par la mise en sommeil des activités et notamment des cours et milongas. Défendez ce magazine de qualité en vous abonnant vite : contact@letempsdutango.com.