L’ENERGIE DES FEMMES ARGENTINES.

       Bien au delà des préoccupations culturelles et sociales du tango, tout le monde a entendu parler des « Mères de la Place de Mai » et de leur lutte énergique, silencieuse et efficace contre la dictature, de sinistre mémoire en Argentine. Les tortures, disparitions, enlèvements d’enfants et autres exactions se sont peu à peu révélées grâce à l’action opiniâtre des femmes devenues depuis grands-mères et relayées par les femmes de leur descendance et aujourd’hui encore, on retrouve la trace d’enfants retirés à leur famille pour être adoptés par d’autres. La littérature s’est d’ailleurs emparée de quelques uns des récits terrifiants de cette période dont les Argentins eux-mêmes n’aiment pas toujours parler. Je vous conseille entre autres deux ouvrages qui révèlent que les pratiques violentes de cette période ont perduré secrètement pendant quelques années après le retour de la démocratie : « L’Echange » de Eugenia Almeida ( Métaillé 2016 ) et « Double Fond » de Elsa Osorio ( Métaillé 2018 ). A noter au passage que cet éditeur a un excellent catalogue de littérature hispano-américaine.
   Cette énergie, contrepoids féminin d’une période particulièrement rude, nous l’avons vue en action dans des manifestations à Buenos Aires où les femmes n’étaient pas les moins dynamiques. J’y fait allusion dans mes deux romans précédents, notamment dans « La Dernière Cuite ». Nous avions d’ailleurs, à l’époque, suivi les manifestants et discuté avec certains d’entre eux pour comprendre les revendications qui portaient alors sur le financement de l’Education et sur le sort des vendeurs de rue, pour la plupart des nativos, alors nombreux dans les rues commerçantes. L’atmosphère bon enfant et souvent humoristique et critique par rapport aux politiques, était rythmée par des chants et des bruitages avec des instruments de toutes sortes . Entraînant !

 
   Dans le cadre de la récente Semaine des Droits des Femmes, j ‘ai retrouvé cette énergie joyeuse et communicative dans le tout récent documentaire de Juan Solanas  » Que sea ley !  »  » Que ce soit loi !  » ( présenté dans les salles sous le titre « Femmes d’Argentine » ) et dont la projection a malheureusement dû être écourtée par la fermeture des salles. En 2018, fasse aux tergiversations du Parlement Argentin concernant la légalisation de l’avortement, les femmes se sont mobilisées et ont manifesté dans la rue dans une ambiance survoltée, rythmée par les bombos. Toutes portent un foulard vert, réplique de celui des Madres de Mayo, blanc. Face à la toute puissante église catholique et aux évangélistes pro-vie qui installent une déferlante sur le continent sud-américain, sans parler de l’inertie médicale qui en résulte, les manifestantes déploient une énergie militante que le réalisateur justifie, en entrecoupant son récit de témoignages saisissants d’avortements clandestins. Cette première mobilisation n’a pas réussi à vaincre les réticences des députés, mais, avec le nouveau Président, Alberto Fernandez, les femmes devraient obtenir gain de cause, car il va proposer une loi légalisant l’IVG. Ne manquez pas ce film sensible quand il sera à nouveau projeté, mais vous pouvez voir différentes bandes-annonces sur You Tube.

   C’est cette  énergie féminine dans divers domaines qui m’a frappé, au hasard des rencontres que nous avons pu faire et qui nous a parfois emportés dans un tourbillon dynamique et toujours surprenant. De l’animatrice de Milonga à la danseuse, en passant par la chanteuse expressive et la bandonéoniste inspirée, toutes ces femmes respiraient, au moins en apparence, la joie de vivre et de partager celle-ci. Certes, les femmes argentines ne sont pas les seules à détenir ces vertus et je connais bien des Européennes qui se sont illustrées dans des circonstances historiques ou plus quotidiennes. Mais s’agit-il d’une énergie d’essence féminine ?  Celle qui résulte du pouvoir de donner la vie ? Celle qui se réfère à La Pachamama ? ( voir mon article du 17/03/2015 )

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J’apprends ce jour le décès récent d’un autre ami argentin, Carlos Zito, écrivain, journaliste, vidéaste et photographe, qui avait approché les plus grands : Borgés, Piazzolla, Ferrer … Il était toujours à l’affût des événements qui pouvaient nous intéresser et s’empressait de nous en informer. Il nous a fait découvrir des lieux insolites, comme le Bar El Banderin qui collectionne les emblèmes footballistiques et mis en contact avec des personnalités diverses, chanteurs et musiciens.  Son épouse, Claude Mary est française et correspondante de plusieurs journaux de notre pays. C’était un homme passionné et passionnant et qui partageait l’amour qu’il portait à son pays. Ci dessous un article de presse qui lui rend hommage :

http://www.elcorreo.eu.org/Carlos-A-Zito-une-perte-dans-le-journalisme-et-le-monde-litteraire

par chabannonmaurice

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