TANGO QUI FUS HEUREUX, comme moi aussi je l’ai été…

Ces deux vers sont extraits du poème de Jorge Luis Borges, «  Alguien le dice al tango » ( Quelqu’un parle du tango ) texte qui devint letra sur une belle composition d’Astor Piazzolla, en 1965. Et on pourrait ajouter deux autres vers :  » Depuis cet hier, combien de choses / nous sont arrivées à tous les deux… » pour traduire la situation difficile dans laquelle se trouve le tango.

Comment en effet ne pas être attristés pour ne pas dire déçus par les divergences de vues, voire les querelles et les accusations engendrées par les contraintes sanitaires imposées par la pandémie, aux diverses activités culturelles notamment, et donc aux milongas, nos rendez-vous réguliers ? Dans une activité ludique où la convivialité était de mise, voilà que certains se croient autorisés à utiliser leurs réseaux pour introduire une polémique pseudo-scientifique et souvent politique qu’il aurait été bon d’éviter pour garder à ce milieu une sérénité et un dynamisme qui faisait sa force. Certes, personne n’ignore que depuis longtemps, et malgré les restrictions, des milongas clandestines restent organisées et que certains danseurs n’hésitent pas à afficher un goût de la transgression proche de celui qui vibre dans les rave-parties, sans l’enthousiasme insouciant de la jeunesse. Certes, d’autres ont contourné les règles sanitaires par divers moyens, affichant ce tempérament bien français qui pousse à contester les mesures les plus pragmatiques … Mais comment partager l’entêtement de ceux qui, contre toute attente, nient l’évidence scientifique ou même la simple réalité hospitalière inquiétante, et propagent des idées fausses ou subversives ?

Car si plusieurs milongas appréciées ont pu reprendre après les confinements successifs, c’est aussi parce qu’en respectant les règles sanitaires, elles ont eu le souci de protéger collectivement leurs danseurs attitrés. En ce début d’août, on peut comprendre alors la déception des organisateurs qui, en cette période plus contraignante encore, doivent appliquer la règle du pass sanitaire, ou faute de pouvoir le faire, doivent renoncer au fonctionnement des bals et des festivals. Ils ont le souci de préserver une sécurité collective et les danseurs gardent la possibilité soit de s’y plier, soit de renoncer au bal. Ils n’ont pas pour autant le droit d’insulter ces animateurs dont la bonne foi, la gentillesse et la culture tango sont authentiques, en donnant toujours l’impression d’être au service de tous et de la bonne ambiance collective. Je le dis tout net : traiter ces organisateurs de « collabos », comme certains n’ont pas hésité à le faire sur des réseaux sociaux où l’on s’octroie tous les droits, c’est non seulement méconnaître le sens des mots dans un contexte historique, c’est aussi s’acoquiner avec ceux qui affichent des pratiques plus violentes dans une contestation qui serait plus légitime si elle était plus posée.

Personnellement, je ne cache plus ma déception par rapport à un milieu que naïvement je croyais plus fraternel, sans doute parce que l’abrazo peut y faire illusion. Regarderons-nous les autres d’une manière différente quand tout cela sera terminé … ou prolongé par une autre catastrophe ? Sortirons-nous d’une focalisation sur la danse dont la pratique est momentanément restreinte pour regarder ce qui se passe ailleurs et notamment en Amérique latine ? Redonnerons-nous du lustre à la culture du tango pour la faire vivre autrement ? Danserons-nous à nouveau avec la même allégresse ?

 » A parler de toi, tango bien aimé, j’entends frémir les dalles d’un p’tit bal… Et j’entends mon passé qui rouspète… » ( El Choclo – tango- musique d’Angel Villoldo et letra de Enrique santos Discépolo )

Et pour terminer de manière plus optimiste sur un nouvel hommage à Piazzolla, vous trouverez ci-dessous la version de « Alguien le dice al tango » avec l’interprétation de celui-ci par le maestro au bandonéon et Jairo au chant : un trio gagnant !

http://www.youtube.com/watch?v=kj65VWGrNuA

par chabannonmaurice

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