Comme je l’ai laissé entrevoir dans l’article précédent, une frénésie de découvertes, de cours et de tango allait marquer l’été et l’automne de l’année 2008 et susciter le premiers contacts avec des artistes et personnalités du monde argentin, ouvrant un grand cycle de rencontres, souvent fortuites mais riches . Et d’abord en ouvrant ce marathon enthousiaste par notre participation au Festival de TARBES, dont c’était la 11ème édition. Je ne sais qui nous avait incités à nous inscrire à cette manifestation qui brillait entre toutes au niveau européen : 1 pleine semaine de tango à la mi-août, période qui reste fidèlement la même depuis ses débuts. Nous étions certes tentés par les cours dispensés par des maestros argentins, mais nous avions aussi noté que le festival proposait de multiples manifestations culturelles autour de la culture argentine et du tango : films, concerts, conférences, animations : c’était donc une semaine complète d’immersion dans une ambiance stimulante et conviviale. C’est une des grandes forces de cet événement que ces propositions enrichies d’année en année, avec l’appui de la Municipalité et de l’Office du tourisme qui avaient compris l’apport d’une telle manifestation pour la ville. Et ce n’est pas le moindre mérite de l’association « Tangueando-Ibos » que d’avoir, avec ses bénévoles, fait fructifier le capital tango qu’elle cultivait dans un village voisin de Tarbes. Nous avons d’ailleurs noué, au fil des rencontres, avec des membres de cette association des liens de sympathie, voire d’amitié qui durent encore et qui nous ont incités, l’année suivante à créer notre propre association. Deux découvertes allaient marquer notre esprit d’entrée. D’abord le dynamisme de l’affiche élaborée pour le festival par Alain LABORDE LABORDE qui restituait l’âme du tango dans des envolées sensuelles de personnages enlacés à leur partenaire ou à leur instrument. Il exposait d’ailleurs au Pari, un des lieux du Festival, et il a pendant plusieurs années renouvelé son inspiration pour les festivals suivants, jusqu’à recevoir la consécration à Buenos Aires par une exposition à l’Academia Nacionale del Tango . J’y reviendrai car Alain était un homme charmant, danseur passionné, malheureusement disparu depuis. Il faut noter au passage que, plus tard, l’Office du Tourisme a cru bon de renoncer à son talent pour revenir à des affiches plus aguicheuses et plus conventionnelles sur le tango.
Ensuite et surtout celle de la présence, dans l’hôtel que nous avions choisi avec le couple d’amis, des musiciens de l’orchestre COLOR TANGO, dont nous avions entendu parler mais que nous n’avions jamais écouté in vivo. Quand nous avons entendu l’ensemble, d’abord lors d’une conférence musicale puis le soir d’une milonga de gala, nous avons encore mieux apprécié le privilège de côtoyer les musiciens au petit déjeuner, en toute simplicité et avec la possibilité d’échanger avec eux…Et celui de rencontrer, non seulement le Maestro Roberto ALVAREZ, mais aussi la belle Analia GOLBERG, dont les tenues élégantes, mais suggestives affolaient les danseurs, ce dont j’ai fait d’ailleurs plus tard le sujet d’une de mes premières nouvelles : » La pianiste ». Peut être que c’est dans ces premiers jours du Festival que j’ai réalisé que le tango, c’était aussi une lente imprégnation culturelle faite de circonstances impromptues, de rencontres chaleureuses, mais aussi d’efforts pour aller vers cet aspect artistique de la vie argentine qu’ensuite chacun retravaille à sa façon pour en nourrir intuitivement sa danse et son esprit.
C’est aussi lors de cette session 2008 que nous avons découvert la TIPICA IMPERIAL, sous la conduite de MATILDE VITULO, sans soupçonner que nous aurions l’occasion de croiser plus tard à nouveau le chemin de cet orchestre brillant qui animait la soirée de gala, de l’inviter à TANGO GUINGUETTE et surtout de nous lier d’amitié avec Matilde, puis, pour ma part de prendre des cours de bandonéon avec elle, dans le cadre d’ailleurs des cours de musique que Tarbes allait développer.
Quant aux cours nous avions choisi de travailler en continu avec le couple RODRIGO PALACIOS et AGUSTINA BERENSTEIN que nous aurions l’occasion de croiser ensuite maintes fois à Buenos Aires et dont la rigueur pédagogique nous a convenu. Ils étaient magnifiques de prestance, et peut être espérions nous arriver à une aussi parfaite élégance ! Ils ont depuis fait un superbe parcours, au point d’oser danser sur une composition d’Astor Piazzolla « Adios Nonino », l’éloge funèbre écrite pour son père. Qu’on en juge par la prestation filmée sur You Tube dans un Festival, à Sydney.
Mais, à la soirée de gala cité plus haut, nous avons aussi été conquis par la jeune troupe de DNI qui avait élaboré un spectacle dynamique sous la direction de DIANA FRIGOLI et PABLO VILLARRAZA. A tel point que, lors de la Despedida, ils nous ont engagés à les retrouver à Buenos Aires où ils avaient un studio. Malgré nos débuts encore récents, nous étions dopés par tous les espoirs et surtout par la richesse du programme de ce premier festival qui nous ouvrait sur la littérature de BORGES, le cinéma argentin, les spectacles de rue … et la convivialité.
Et en novembre, nous prenions l’avion pour Buenos Aires … Avec, au préalable, un passage par Paris où se donnait en septembre, au Théâtre du Châtelet, le spectacle « Tanguera » qui cumulait avec brio tous les poncifs du « tango fantasia ». Le dépliant vantait une soirée « provocante, sensuelle, érotique », susceptible d’attirer un public novice et de tromper sur les vrais aspects de la danse. Nous nous somme laissés « attraper » par « les chemises d’un blanc éclatant et les gilets noirs, les mouvements ensorcelants des minijupes, les longues jambes et les bas résilles très fins » selon le prospectus sur fond de rideau rouge. Il n’est cependant pas inutile de voir un tel spectacle clinquant et plaisant par ses acrobaties chorégraphiques pour mieux apprécier le vrai tango des milongas que nous allions vivre à Buenos Aires, une façon de danser beaucoup plus sobre.
Avec le même couple d’amis que celui qui nous avait accompagnés à Tarbes, nous avions ciblé deux buts à notre voyage : découvrir l’Argentine et vivre le tango dans sa Capitale. Mais, un peu timorés pour ce premier voyage, nous avons choisi la commodité d’un périple organisé avec une première partie touristique, suivie d’un séjour à Buenos Aires où nous gérions notre temps. Là encore, nous avions vu grand en voulant découvrir le maximum de lieux aux quatre coins d’un grand pays, ce qui supposait de longs voyages en avion de la Péninsule de Valdès aux Glaciers, puis aux chutes d’Iguazu et enfin à Salta, passages obligés pour les touristes de base. Mais au moins, cette formule sécurisée et accompagnée nous a-t-elle donné une idée des paysages époustouflants et très divers de ce pays, avec l’envie d’explorer mieux certaines régions et d’organiser nous-mêmes nos circuits, ce que nous avons régulièrement fait dans les années suivantes. Nous avons pu constater plus tard que beaucoup des « mordus » de tango qui venaient dans la Capitale d’abord pour danser, ne sortaient guère des frontières de la ville, épuisant leur temps nocturne dans les milongas et passant une partie de leurs journées à récupérer !
Pour nous, le tango, comme le montrera le chapitre suivant, sera aussi une suite de découvertes, le plus souvent agréables, mais toujours étonnantes et parfois désagréables ou pour le moins déroutantes.