ITINERAIRE D’UN ENFANT GÂTE DU TANGO 3 ) 2007-2008 : PLEINS FEUX SUR TOUTES LES AMBITIONS …

Les années 2007 et 2008 nous ont vu entrer résolument dans le tango, grâce à la conjugaison de plusieurs éléments dopants.

DES COURS A LA CAMPAGNE AVEC CATHERINE ET FEDERICO : Des amis du cercle des danseurs nous avaient incités à nous inscrire à un stage de longue durée, en juillet 2007, avec Catherine Berbessou et Federico Rodriguez Moreno, lesquels proposaient un enchaînement de cours sur une semaine, dans un lieu magique du Cantal, proche d’Aurillac, La Ferme de Trielle à Thiézac. Une association, installée dans cette ancienne bâtisse auvergnate restaurée, proposait une série de stages en tous genres, allant du cirque à la danse africaine en passant par le Butô, le chant et … le tango argentin. Le lieu offrait l’hébergement en pension complète et mettait à disposition une magnifique salle parquetée, la bergerie, idéale pour les cours, les pratiques et les milongas du soir, tout cela sous la houlette d’animateurs conviviaux. En plus le cadre naturel était magnifique avec la piscine et des tables extérieures donnant sur la vallée, propices aux apéros et donc aux échanges : nous y avons fait connaissance, là aussi avec des couples qui sont restés des amis et notamment avec deux copines de Vaison la Romaine qui nous entraîneraient plus tard dans d’autres aventures. La Ferme de Trielle organise toujours des activités variées que l’on peut découvrir sur son site. Et j’ai constaté que les maestros dont je vais parler maintenant poursuivent les cours dans ce cadre, toujours aussi attrayant.

Nous ne connaissions pas le couple Catherine-Federico qui avait ses admirateurs inconditionnels ayant déjà participé à divers stages, mais on nous avait prévenus qu’ils pratiquaient un tango ouvert, actif et très élégant. Bien sûr nous avions choisi le stage débutant, conscients de nos limites. J’ai à la fois le souvenir d’un grand plaisir à travailler avec eux, parce qu’ils insistaient l’un et l’autre sur le fait que tout mouvement et toute figure étaient perfectibles, mais aussi la sensation d’avoir souffert parce qu’ils étaient intransigeants dans la recherche du mieux. L’un comme l’autre décortiquait chaque figure, analysait l’effet produit sur le partenaire et cherchait donc l’harmonie du couple. Inutile de préciser que c’est quasiment impossible pour un couple de débutants, d’autant que nous étions déjà âgés, contrairement à plusieurs couples plus jeunes, adeptes d’une danse ouverte et riche en figures, ne serait-ce parce qu’ils étaient plus souples ! Et l’échec en tango est plutôt décourageant lorsqu’on se prend trop au jeu et quand on prétend faire comme les profs ! Mais Catherine, danseuse de formation classique, chorégraphe déjà reconnue et pédagogue de ce fait, était d’une infinie patience et reprenait inlassablement le travail, payant de sa personne pour prendre l’abrazo avec les danseurs les plus maladroits. On imagine bien que lorsque cela m’est arrivé, j’étais tout intimidé et paralysé par le fait de tenir dans mes bras une si belle et grande danseuse. Federico, d’origine argentine et initialement professeur d’EPS, qui avait été le danseur vedette des ballets montés par Catherine – notamment le plus récent à l’époque « A fuego lento » – était plus fougueux malgré son apparente réserve, et on sentait chez lui comme une aspiration permanente à danser, ce qu’il ne se privait pas de faire largement le soir, à la milonga, malgré la fatigue des cours. Et quand il partageait la piste avec Catherine, c’était un festival de figures d’une grande énergie où Federico se déplaçait comme un félin . Mais j’avoue que je ne trouvais pas toujours à leurs démonstrations le côté intime et sensuel que nous attendions du tango parce que le trop plein de mouvements était un peu étourdissant, d’autant que notre couple ne les réussissait pas toujours au mieux. Encore aujourd’hui, en regardant évoluer des couples qu’ils ont formés, je vois, pour certains d’entre eux plus d’application gymnique que de sensualité recueillie. Nous nous sommes néanmoins réinscrits l’année suivante, cette fois en n’hésitant pas à choisir 2 cours, ajoutant le niveau supérieur, car entre temps nous avions acquis de l’assurance et espérions atteindre la perfection ! Et puis le site de Trielle, propice à quelques belles ballades et la convivialité et des hôtes et du groupe de danseurs restaient des avantages supplémentaires pour ce stage. D’ailleurs, ensuite, nous avons continué à pratiquer avec eux dans plusieurs sessions qui avaient lieu à Avignon, à l’invitation d’une association locale et dans le cadre des Hivernales, festival de danse sur divers thèmes et qui reste un événement local marquant. Nous leur devons beaucoup car nous avons appris avec eux que la tango ne souffre pas la médiocrité, et qu’il faut être à la fois à l’écoute de la musique, de son corps et surtout de celui du partenaire.

UN SPECTACLE DECISIF : L’année 2008 serait d’ailleurs celle d’autres découvertes, d’abord avec la participation, en juin de cette année, lors d’un voyage à Paris, à un superbe spectacle dans le cadre de Buenos Aires Tango 2008 au Palais de Chaillot. Cette soirée appelée modestement  » Tangos clasicos  » a sans doute scellé notre mariage avec Buenos Aires. L’affiche en était alléchante, sans que nous sachions que les vedettes figuraient parmi les maestros en vue de La Capitale argentine : Orquesta escuela de tango ( Emilio Balcarce à la direction ), file de 7 bandonéons, avec à l’honneur le maestro Nestor Marconi, cordes sous la conduite de Ramiro Gallo, 1er violon et déjà illustre pour ses compositions et son action de remettre en vedettes, conjointement avec Ignacio Varchausky, les gloires de la Vieille Garde. Ce soir là, nous avons découvert les sonorités magiques d’une tipica vigoureuse et surtout l’ambiance éclectique d’un concert qui mariait des compositions très différentes allant de Di Sarli à Piazzolla en passant par Gardel …et Balcarce avec sa célèbre « Bordona » . Mais surtout, nous avons été remués jusqu’aux tripes par un chanteur, Julian Carlos Godoy que nous découvrions avec sa voix si particulière et expressive et nous avons senti, ce soir là, tout ce que le chant apporte au tango dans des textes comme «  Arrabal amargo » ou « Alma en pena ». Nous ne savions pas encore que nous reverrions Godoy plusieurs fois à Buenos Aires mais le soir, à la milonga qui suivait la soirée, nous avons pu mesurer la vénération que lui portaient les autres artistes, au soin qu’ils prenaient de lui, déjà vieillissant. Selon l’expression japonaise, un trésor vivant. Bien sûr, dans le spectacle, évoluaient aussi des danseurs dont plusieurs couples jouissaient déjà d’une belle notoriété. C’était la compagnie « Union Tanguera » sous la direction de Estaban Moreno et ils avaient incorporé un couple de danseurs à l’évidence plus âgés que les autres, Carlos Pérez et Rosa Forte. Ce couple qui a appris le tango des années 40-50, avant même qu’il y ait des cours, avait dirigé la Milonga Sunderland, dans le barrio Villa Urquiza, et dansait à la manière qui, depuis porte cette étiquette du quartier, ce qui signe un style. Avec eux, nous avons approché la forme de danse qui nous séduirait définitivement : ils ne faisaient presque rien, comparativement aux autres danseurs, mais ils étaient d’une grande élégance et toujours en parfait accord avec la musique. On en jugera par la vidéo ci dessous qui date de l’année 2006 et qui met en valeur une sobriété que nous allions retrouver à Buenos Aires avec Osvaldo et Coca Cartery auxquels j’ai consacré un chapitre dans mon dernier recueil de Nouvelles.

https://youtu.be/4w3B4TOLpjw

D’ailleurs, dans le final, sur la traditionnelle « Cumparsita », où les danseurs déploient toute la virtuosité du tango de scène – tango fantasia – les deux artistes n’apparaissaient pas, non pas parce qu’ils étaient plus âgés et un peu replets, en contraste avec les jeunes artistes filiformes, mais sans doute parce que leur tango aurait trop tranché avec celui mis en scène pour le final et propre à déclencher l’enthousiasme des spectateurs. Nous savions ce soir là qu’un fossé séparait le tango pratiqué dans les milongas portègnes et celui qui se pratiquait dans les spectacles et les démonstrations, pour éblouir l’assistance à la manière d’une performance.

SUR LA ROUTE DE BUENOS AIRES : Nous allions d’ailleurs retrouver ces différents styles de danse au festival de Tarbes auquel nous avions décidé de participer au moins en partie en août 2008, ouvrant ainsi une série de déplacements aux quatre coins de l’hexagone, dans une course au tango qu’aujourd’hui, avec le recul nous jugeons un peu démente. Et pourtant, ce fut l’origine de belles rencontres ! Nous avons entraîné dans cette découverte un couple d’amis qui viendraient aussi avec nous à Buenos Aires en novembre de la même année, car à Tarbes, nous avons pu suivre des cours ( encore ! ! ! ) avec la compagnie argentine DNI qui, sous la houlette de Dana Frigoli, offrait la possibilité de travailler avec plusieurs couples de la compagnie. Celui que nous avions retenu, éminemment sympathique et d’une jeunesse communicative, allait nous persuader qu’il fallait aller à Buenos Aires. Mais je reviendrai dans le prochain article sur cet épisode d’une année fougueuse.

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par chabannonmaurice

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