ITINÉRAIRE : la suite… 2009, 2ème voyage en Argentine. L’année du Bandonéon.

Et en octobre, nous voilà repartis pour Buenos Aires, avec une organisation que nous avions nous mêmes préparée, mis en confiance par les contacts de l’année précédente. Notre séjour était prévu pour un mois de mi-octobre à mi-novembre, avec des escapades touristiques. Au fur et à mesure des années nous allions d’ailleurs gagner en indépendance, notamment grâce à l’hébergement dans les casas de tango. Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce type de maisons d’hôtes argentines, il s’agit d’un mode original et chaleureux qui marie logement, contact avec des hôtes liés au tango, pour la plupart des maestros, et donc avec la danse et la culture argentine. Souvent, ces lieux comportent une salle de danse pour les cours, les pratiques qui ont lieu tous les soirs et les milongas, deux ou trois fois par semaine. Une cuisine commune est généralement mise à disposition et partagée entre les clients : chacun y dispose d’une case pour entreposer ses aliments : c’est le lieu où, le matin, on côtoie les nationalités et personnalités les plus diverses, souvent aux visages fatigués par les sorties de la veille ! Au cours de nos différents voyages, nous avons eu l’occasion de loger dans diverses casas, avec une nette préférence pour celle de Maria Dragonne, «  La Maleva », tout près d’Abasto.

En 2009, nous avions choisi celle de Marielle Arienda, rue Défensa, où nous disposions d’une chambre donnant sur la Plaza Dorrego que nous avions trouvée si attrayante l’année précédente. Marielle étant danseuse, elle connaissait non seulement les lieux portègnes mais surtout les milongas à recommander et proposait même des sorties de groupe dans celles-ci. Elle organisait aussi des cours d’espagnol à partir d’un livre qui s’appuyait sur le tango « Buenos Aires Expérience » et qui permettait de rapidement se débrouiller sur la piste et dans les rues avec les rudiments de la conversation. Elle organisa aussi un soir, un repas avec tous ses locataires et surtout nous invita tous, un dimanche, à l’anniversaire de sa fille dans une estancia, à 45 kms de la capitale : transport en bus, super parilla et vins à volonté. Nous avons découvert là la convivialité argentine et les conversations animées, quand nous arrivions à les suivre ! Un grand moment où nous avons aussi rencontré l’animateur de la milonga Parakultural au salon Canning, sans mesurer ni sa réputation ni celle de cet endroit ! C’est donc dans des conditions plaisantes que nous avons entamé un séjour où nous avons combiné les cours, les milongas, les cours d’espagnol, les visites de Buenos Aires, un week end à Montévidéo et Colonia del Sacramento, et un périple de 10 jours de Mendoza à Córdoba. Pour ce qui concerne les cours d’espagnol, je recommande l’ouvrage cité plus haut : simple et illustré de façon amusante, il propose des exercices variés qui permettent de faire rapidement des progrès et d’alimenter une conversation simple. Nous avions d’ailleurs pris une répétitrice pour travailler avec cette méthode mise au point par Demian Gawianski et qu’on trouve encore à acquérir sur internet, sans que je sache si elle se pratique toujours aujourd’hui. Mais il y a bien des possibilités pour apprendre l’espagnol à Buenos Aires, notamment avec l’Academia del Tango.

Chez Marielle : cours d’espagnol et joyeuse tablée…

De notre chambre, nous avions vue directe sur la place et nous pouvions observer les allées et venues des gens du quartier, avant que le lieu ne soit envahi par les touristes et les danseurs en démonstration ! Et le dimanche, nous étions à pied d’œuvre pour la Féria, grande journée pittoresque dont j’ai déjà parlé et dont on trouvera ci-dessous quelques photos. C’est le paradis des chineurs et nous nous sommes régalés en contemplant les collections d’objets insolites et en faisant quelques acquisitions. Mais nous avons eu surtout la bonne surprise de découvrir que l’immeuble voisin abritait « La Casa del Bandonéon », un atelier-musée que nous nous sommes empressés de visiter. En effet, je m’étais mis en tête d’acheter un instrument éminemment représentatif du tango, pour en faire un objet décoratif à poser sur une commode ! Mais nous n’avions aucune idée réelle ni du prix ni de la qualité, bien que nous ayons déjà flâné dans le quartier qui concentre les marchands d’instruments de musique et accessoires divers, notamment la rue Sarmiento, à proximité du Congreso, le palais du Congrès argentin. On nous annonçait des prix exhorbitants et nous n’étions pas armés pour évaluer les qualités musicales des bandonéons, tout en supposant que le soufflet et les touches devaient surtout bien fonctionner. Ce n’est que quelques jours plus tard que nous aurons une idée plus précise, lors d’une rencontre mémorable avec Oscar Fischer, facteur de bandonéon et responsable de l’atelier et du petit musée attenant ! Visite de curiosité dans un premier temps mais le bonhomme était passionné et avenant, étonné par notre intention d’acheter un bandonéon pour la décoration, au même titre qu’un éventail ou un vase… d’autant que je n’étais pas musicien ! Mais pour l’instant, il n’avait d’ailleurs aucun instrument en vente et nous conseillait de faire les brocantes, à la rigueur pour y trouver un exemplaire plus ou moins détérioré ! Après une visite de l’atelier où nous avons pu voir plusieurs instruments démontés, en cours de réparation ou d’entretien, il nous montra quelques pièces du musée, ayant appartenu à des musiciens célèbres. Devant notre intérêt de plus en plus fasciné, il insista sur le fait que si j’achetais un bandonéon, il fallait le faire jouer et il nous invita à revenir quelques jours après car quelqu’un devait lui apporter un instrument de famille avec l’obligation de le vendre rapidement. Et en nous raccompagnant, il offrit à Hélène un bouquet de jasmin et nous incita à réfléchir sur ce que représenterait un tel investissement. En écrivant la relation de cette nouvelle grande rencontre avec un des grands artistes de Buenos Aires, je reste ému par le talent, la classe et la simplicité élégante de cet homme que nous avons rencontré plusieurs fois lors de nos séjours et que nous retrouverons, bien des années suivantes au Conservatoire d’Avignon, lors d’un concert… Mais c’est une des ramifications de l’histoire de mon bandonéon.

Tous les plaisirs de la Plaza Dorrego, notamment jour de Feria.

Quelques jours plus tard, nous avions à nouveau rendez vous avec Oscar Fischer qui nous annonça, avec un large sourire, qu’il allait disposer d’un bandonéon qui devait lui être apporté par une femme qui vendait l‘instrument de famille pour des raisons de difficultés familiales financières : c’était urgent car elle attendait un bébé et il fallait payer 2200 en dollars, somme qui n’était pas une mince affaire pour la trouver, compte tenu des réticences des banques pour débloquer une telle somme…et du temps à y passer pour l’obtenir. J’ai largement raconté, en la romançant légèrement, dans mon premier recueil de Nouvelles « Avec un tango à fleur de lèvres » ( épuisé) cette histoire authentique et touchante que j’ai appelée «  Le Bandonéon de Céleste. » Mais je n’ai rien dit de notre chasse aux dollars de guichet en guichet pour obtenir des sommes limitées constituant l’acompte. Un vrai parcours du combattant couronné de succès quand, dans un troisième rendez vous avec notre artisan, il nous présenta trois bandos, les essaya devant nous et vanta celui de Céleste pour son histoire et ses qualités musicales, me recommandant encore d’en jouer. Marché conclu et Oscar ouvrit la caisse de l’instrument pour me demander d’y apposer ma signature et la date : en effet, dans la foulée de la déclaration de l’UNESCO proclamant le tango, trésor immatériel, le gouvernement argentin venait de proclamer le bandonéon trésor national, avec des difficultés à prévoir pour exporter à l’étranger. Mais heureusement, le décret n’était pas encore signé et en cas de difficultés douanières, je pourrais arguer d’un achat antérieur. Oscar s’engageait à réviser l’instrument avant notre départ et en profitant du périple que nous devions entamer à Mendoza et Córdoba. Je garde au cœur ce jour là, car Oscar avait prévu pour moi un porte- clef avec une lyre en argent, comme il y en a incrustées aux angles de la plupart des bandos, en me précisant que c’était pour y mettre la clef qui m’ouvrirait le Paradis des Bandonéonistes ! Forte émotion et un nouveau bouquet de jasmin pour Hélène !Mais il restait encore à trouver le solde du paiement avant le retour en France, ce que nous avons pu faire in extremis à l’Hôtel Sheraton où le change était plus facile. Et la veille du départ, j’ai pu prendre possession du magnifique achat, nettoyé, traité et révisé. Fait extraordinaire, Oscar nous apprend que Céleste vient d’avoir son bébé le même jour ! Comment ne pas me sentir engagé par l’incitation à apprendre à jouer car Oscar avait tout prévu, avec une méthode référencée sur internet ?

Avec Oscar Fischer, devant le bandonéon en révision.

Tout cet épisode nous a pris du temps mais nous avons cependant écumé les milongas ( 18, souvent à raison de 2 par jours ): La Confiteria Idéal, Plaza Bohemia, Club de Tango de Boedo, Lo de Célia, El Arranque, Gricel, Le salon Canning, Région Leonese, El Beso, Viejo Coreo, La Glorieta, entre autres… Nous y avons pratiqué l’invitation à la mirada et au cabeceo dont j’ai déjà parlé : elle nous a séduits parce qu’elle donne à chaque danseur une liberté de choix qui puisse satisfaire son niveau de danse, ses préférences musicales, ses attirances humaines et même des critères comme la taille ou l’âge du partenaire ! Les milongas proposent aussi des ambiances très différentes, selon le cadre, les animateurs et les DJs. Certaines, comme El Arranque ou Viejo Coreo se distinguaient par un public plutôt âgé, dansant très milonguero. D’autres bénéficiaient d’un orchestre et nous avons apprécié d’évoluer sur une musique in vivo, plus porteuse que la musique enregistrée. Deux formations ont retenu notre oreille : La Tipica Milonguero et Color Tango, deux tipicas que nous aurons l’occasion de retrouver les années suivantes. C’est aussi cette année là que j’ai commencé à noter mes observations sur le cadre et les danseurs des bals : un vendeur, sous la table, de chaussettes Balmain contrefaites, une gardienne de toilettes vendant des accessoires multiples, de l’éventail aux bonbons mentholés en passant par…les préservatifs, un danseur handicapé mais qui se lève miraculeusement pour aller sur la piste en disant que la tango est une thérapie ! Enfin c’est à la Milonga Porteno y Bailerin que nous avons assisté à la démonstration de Coca et Osvaldo, couple dont j’ai maintes fois parlé, que nous avons pris comme modèle et que nous aurons l’occasion de croiser souvent dans les années suivantes. Le portrait de Coca figure dans mon dernier recueil de Nouvelles consacré aux femmes dans le tango «  Ballade pour mon tango ». Et en prime, nous avons quand même trouvé le temps de courir les fabricants de chaussures et de vêtements appropriés, persuadés que nous danserions mieux avec ces équipements dédiés !

Dans une salle organisée pour la mirada. Avec Coca et Osvaldo

Dans ce séjour bien rempli, nous avons occupé un week end pour faire une incursion en Uruguay par bateau, avec une amie et une bonne semaine pour découvrir les vignobles de Mendoza , des parcs nationaux de la région et Córdoba ! Mais cela mérite une annexe à cet article où le tango reste en vedette.

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par chabannonmaurice

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